Langue épicène

Pourquoi utiliser l'expression «droits humains» en français plutôt que «droits de l'homme»? Des enquêtes empiriques montrent que des personnes testées pensent plus facilement aux femmes lorsque les deux genres sont mentionnés ou lorsqu’une formulation épicène est utilisée que lorsque seul le masculin générique est employé.

Les mots ne sont jamais neutres. Si l’expression «droits de l’homme» reflète la longue lutte des peuples pour l’obtention de leurs droits, elle nous rappelle aussi que les révolutionnaires français, dans leur Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ont refusé d’accorder aux femmes les droits qu’ils accordaient aux hommes. En parlant de «droits de l’homme», les Français avaient très clairement limité ces droits à leur propre genre.
Ce n’est pas le cas de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, mais l’expression «droits de l’homme» conserve toujours une certaine ambiguïté, qui n’existe pas dans de nombreuses autres langues (human rights, derechos humanos ou Menschenrechte, par exemple, désignent les droits des deux genres). C’est pourquoi Amnesty International a choisi d’utiliser en français, depuis 1997 déjà, l’expression «droits humains». C’est aussi pour cette raison qu’est adopté le langage épicène.

Nous continuons par contre à utiliser les termes officiels des Nations unies, en parlant de Conseil des droits de l'homme ou de Déclaration universelle des droits de l'homme.

Pourquoi un traitement égal au niveau du langage chez la Section suisse d'Amnesty International?

Dans le domaine des droits humains, les faits doivent être restitués de façon exacte. Ce n’est pas toujours possible quand il n’est pas établi clairement si les coupables ou les victimes de violations des droits humains sont des femmes ou des hommes. Derrière les rôles et les expériences souvent différents des femmes et des hommes se trouvent des réalités sociales et des relations de pouvoir, qui ont beaucoup d’importance pour la compréhension des questions de droits humains.

Dans notre activité quotidienne en faveur des droits humains, la façon dont nous décrivons les femmes et les hommes joue également un rôle. Si nous voyons par exemple de nombreuses femmes sur une photographie dans un journal et que la légende indique «des membres d’Amnesty en action», alors nous en déduisons peut-être qu’Amnesty est une organisation de femmes. Il vaudrait donc mieux présenter une image qui présente aussi bien des femmes que des hommes en action! Si nous adressons une lettre aux membres du Parlement et que nous commençons la lettre par «Messieurs les parlementaires», peut-être que des femmes ne se sentiront pas incluses. Il vaudrait donc mieux s’adresser aux parlementaires femmes et hommes.

Si nous organisons une conférence sur les droits des femmes et que nous nous adressons à notre public par les mots «chères étudiantes», peut-être que l’un ou l’autre pensera «pourquoi seules les étudiantes sont-elles concernées par les droits des femmes?». Pourquoi ne pas alors commencer le discours par «chères étudiantes, chers étudiants»? Le langage est le reflet de la réalité mais crée aussi des réalités. Ceci est valable pour le langage écrit, parlé et également pour les images.

Amnesty International veut atteindre de la même façon les femmes et les hommes et faire qu’elles et ils se sentent concernés par les droits humains en tant que membres de l’organisation et/ou acteurs et actrices potentielles. Ce qui est plus facile quand ce n’est pas un seul genre qui est mentionné ou quand il est explicite que l’autre genre est simplement «inclus» ou quand effectivement ce ne sont que des femmes ou que des hommes qui sont désignés dans la phrase 1) .

Le langage n’est pas neutre mais transporte des pensées et des perceptions «normatives», des préjugés et des stéréotypes. En conséquence, le langage peut aussi faire évoluer nos habitudes de pensées et nos perceptions. Dans le cadre de la campagne «Halte à la violence contre les femmes», lancée en mars 2004, Amnesty International ne s’est pas contentée de dénoncer les violences faites aux femmes dans le monde entier mais s’est également interrogée sur leurs causes profondes. L’une d’entre elles, qui peut paraître à première vue symbolique, relève des stéréotypes véhiculés par le langage.

Notre objectif est:

  • que les contenus et les faits soient présentés chez AI-CH de façon précise, aussi en ce qui concerne des réalités spécifiques aux genres. Pour cette raison, les genres féminin et masculin sont donc rendus visibles par le langage;
  • que les êtres humains auxquels nous nous adressons se sentent concernés et inclus de la même façon, indépendamment de leur sexe.

Amnesty International applique dans sa communication des règles inspirées notamment par la brochure «Ecrire les genres. Guide romand d’aide à la rédaction administrative et législative épicène», publié par les Bureaux de l’égalité romands.