Visite de l'opposante birmane en Suisse Je suis une groupie d'Aung San Suu Kyi

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 26 juin 2012 dans le quotidien 24 Heures.
Je ne pensais pas faire partie des midinettes qui se ruent sur leur star à la sortie d’un concert ou qui font le pied de grue devant l'hôtel de leur acteur fétiche. Et pourtant, c’est bien la fièvre d'une groupie qui s'est emparée de moi il y a dix jours, lors de la visite d'Aung San Suu Kyi en Suisse.

manon_opinion.jpg Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © AI


Quelques heureuses élues parmi les organisations non gouvernementales avaient été invitées à la rencontrer lors d'une réception organisée en son honneur. Je faisais partie du lot, car Amnesty International a été l'une des premières organisations à s’engager en faveur de la Birmane, il y a plus de 25 ans, bien avant qu'elle reçoive le prix Nobel de la paix.

Je me souviens d’ailleurs avoir à de nombreuses occasions écrit des lettres ou fait signer des pétitions en faveur de sa libération, lorsque j'étais une jeune militante et que je ne savais pas même écrire son nom correctement, ni situer le Myanmar sur une carte. Des pétitions, j'en ai signé pour des milliers d'autres prisonniers d’opinion; alors pourquoi l'opposante birmane me touche-t-elle à ce point?

D'abord parce que c’est une femme, et que même si les femmes sont nombreuses dans le monde à se révolter contre les injustices, leur combat reste souvent dans l'ombre. Ensuite, parce qu'elle a persévéré dans la voie de la non-violence, malgré la répression sanglante de la junte militaire contre son parti politique.

Et enfin, parce qu'elle est d’une incroyable modestie. Quand je lui ai dit ma joie de la voir en Suisse, libre, elle ma répondu «c’est grâce à des gens comme vous que je suis libre à nouveau», minimisant son incomparable ténacité et sa résistance hors du commun. Elle a d'ailleurs tenu à aller serrer la main des militants d'Amnesty qui s’étaient regroupés devant le Palais fédéral pour lui souhaiter la bienvenue. Comme une simple militante.

Bien sûr, maintenant qu'elle siège au Parlement birman, elle fera l’objet de critiques, dont certaines seront justifiées. La situation de son pays est bien loin d'être stabilisée, les conflits ethniques explosent, le travail forcé est très répandu, et des centaines de prisonniers d’opinion sont encore détenus. Son silence sur l'une ou l'autre de ces violations graves des droits humains sera disséqué, les ONG et les opposants birmans attendront d'elle qu'elle dénonce tous les problèmes.

Alors sans doute l'icône tombera de son piédestal. Mais elle aura été un modèle pour moi et pour tant de gens qui s'engagent en faveur des droits humains. La femme qui a sacrifié sa vie pour défendre les droits de la population birmane, la militante qui n'a jamais baissé les bras, la fleur de jasmin plus forte que les fusils. Celle qui nous a rappelé que l'engagement n’est pas vain, même si les succès tardent parfois des années à se manifester. Merci Aung San Suu Kyi.