Suisse Faut-il boycotter l’Euro en Ukraine?

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 29 mai 2012 dans le quotidien 24 Heures.
A quelques jours de l’ouverture du championnat d’Europe de football en Ukraine et en Pologne, la polémique enfle sur un éventuel boycott des matches sur sol ukrainien.

manon.jpeg Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © AI

La situation de l’ancienne Première ministre Ioulia Timochenko embarrasse les dirigeants européens. Amnesty International considère qu’elle a été condamnée de manière infondée et sur la base de motifs politiques, non reconnus comme des délits pénaux.

Il n’y a pas que l’ancienne Première ministre dont la situation soit préoccupante. La police ukrainienne est responsable de nombreuses atteintes aux droits humains, comme des passages à tabac, des arrestations arbitraires et des actes de torture. Des atteintes qui restent la plupart du temps impunies.

Il y a à peine plus d’un mois, à Lviv, ville qui accueillera trois matches de l’Euro, deux hommes se sont fait soutirer plus de 1500 Euros dans un bar par six policiers, qui les ont brutalement agressés puis maintenus en garde à vue sans soins médicaux ni accès à un avocat. Après douze heures, ils ont finalement été libérés et conduits à l’hôpital à bord d’une ambulance, car ils n’étaient pas en mesure de marcher. Les deux hommes n’ont reçu aucune explication. C’est seulement quand leur avocat a donné une interview à la télévision que les procureurs locaux ont enfin consenti à arrêter les policiers.

De quoi craindre pour la sécurité des supporters qui feront le déplacement dans l’une des quatre villes ukrainiennes qui accueilleront des matches ces prochaines semaines. Et de quoi remettre en cause la légitimité de pays comme l’Ukraine pour l’organisation de grands événements sportifs.

Car malheureusement, l’organisation des championnats de football ou des Jeux olympiques ne contribue pas à améliorer la situation des droits humains dans les pays hôtes. Très souvent, comme cela a été le cas à Pékin en 2008, ces grands événements entraînent même de nouvelles violations graves, par exemple des expulsions forcées pour construire des stades, une augmentation de la répression contre les opposants politiques et la censure de toute critique.

Faut-il pour autant boycotter ces événements? Le boycott de l’Euro n’apportera sans doute pas d’améliorations concrètes, ni pour Ioula Timochenko, ni pour les victimes de violence policière. Mais la pression publique et les interventions diplomatiques, elles, sont absolument nécessaires, surtout quand l’Ukraine se retrouve, comme c’est le cas actuellement, sous les feux de la rampe. Le dialogue permet plus que la seule confrontation.

La Suisse ne sera pas présente sur le terrain lors de l’Euro, mais elle a offert ses services pour une médiation. Il ne reste plus qu’à espérer qu’elle ait davantage de succès grâce à ses talents diplomatiques que par son jeu lors des phases de qualification.