Suisse Hétérosexuels, mais pas homophobes

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, et parue le 6 mars 2012 dans le quotidien 24 Heures.
Vous êtes-vous déjà demandé quelle aurait été votre vie si vous étiez homosexuel? Comment vous l’auriez annoncé à votre famille, à vos collègues? Et quel aurait été le regard de la société? Des jeunes Lausannois m’ont posé ces questions en me demandant de participer à leur exposition «Jeunes vs homophobie» [i] . Et je me suis dit qu’être gay ou lesbienne aujourd’hui n’est pas si simple.

manon.jpg «Chaque personne devrait avoir le droit de vivre son orientation sexuelle sans être victime de discriminations ou d’agressions», affirme Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International. © AI

L’homophobie est encore très répandue. Les personnes homosexuelles subissent régulièrement des attaques verbales, voire des discriminations. Des études ont montré que le risque de suicide chez les jeunes homosexuels est nettement plus élevé, en raison du harcèlement dont ils sont victimes. C’est pourquoi ces initiatives de sensibilisation contre l’homophobie sont importantes, notamment dans les écoles.

En Suisse, la situation des homosexuels peut paraître relativement «confortable», quand on la compare avec le reste du monde. En Tunisie, le ministre des droits de l’homme vient de déclarer que l’homosexualité est une perversion qui nécessitait un traitement médical. En Ouganda, un projet de loi proposant d’introduire la peine de mort pour les personnes homosexuelles a été déposé devant le Parlement. En Russie, à Saint-Pétersbourg, l’assemblée municipale a voté la semaine passée une réglementation interdisant aux jeunes gays et lesbiennes de se réunir ou de communiquer sur l’homosexualité. En Iran, les gays risquent, s’ils sont découverts, d’être exécutés par l'Etat, qui les présente comme une menace pour la société.

Des pratiques «barbares», qui n’ont rien à voir avec nous? Malheureusement non. L’Europe n’est pas à l’abri d’un retour en arrière: la Lituanie a notamment interdit toute «information qui dénigre les valeurs familiales basées sur l’union d’un homme et d’une femme» dans les écoles et dans les lieux accessibles aux jeunes. En clair: impossible pour un jeune homosexuel de pouvoir s’adresser à un médiateur scolaire pour lui poser des questions. On fait comme si l’homosexualité n’existait tout simplement pas!

Et chez nous? En Suisse, les propos discriminatoires ou les appels à la haine contre les personnes homosexuelles ne peuvent pas être poursuivis, faute de loi contre la discrimination. L’orientation sexuelle et l’identité de genre ne sont pas même mentionnées de manière explicite dans notre Constitution en tant que motifs de discrimination.

Chaque personne devrait avoir le droit de vivre son orientation sexuelle sans être victime de discriminations ou d’agressions. La lutte contre l’homophobie passe par nous, les hétérosexuels: nous ne devons pas rester silencieux devant les insultes. Car l’amour est aussi un droit humain.


[i] Exposition «Jeunes vs homophobie», du 7 au 17 mars 2012 au Forum de l’Hôtel de Ville à Lausanne.