Commerce des armes Il est urgent de contrôler le commerce des armes

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 17 avril 2012 dans le quotidien 24 Heures.
A l’heure où s’ouvre en Norvège le procès d’Anders Breivik pour le massacre qu’il a perpétré l’an dernier, quelques semaines après la tuerie commise par Mohamed Merah à Toulouse, et face au phénomène récurrent, y compris en Suisse, de personnes anonymes qui abattent leurs proches sur un coup de folie, une question évidente se pose: comment ces déséquilibrés ont-ils pu se procurer aussi facilement des armes et des munitions?

Manon Schick Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © AI

Acheter une arme sur internet est d’une simplicité enfantine. Dans certains pays d’Afrique, les kalachnikovs sont en vente sur le marché et coûtent moins cher qu’un poulet. Et dans la plupart des pays qui sortent d’un conflit armé, par exemple en Libye, les armes se ramassent à la pelle et se revendent sans aucun contrôle.

Les chiffres font froid dans le dos: dans le monde, une personne meurt chaque minute victime de la violence armée. Environ huit millions de fusils sont produits chaque année, ainsi qu’un nombre de cartouches suffisant – douze milliards par an – pour exterminer presque le double de la population de la planète.

Il faut impérativement instaurer un contrôle de ce commerce. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il existe des accords internationaux stricts sur le commerce des bananes, des os de dinosaures ou de l’eau en bouteille, mais il n’en existe aucun, au niveau mondial, sur les fusils et les cartouches. Des armes continuent à être livrées à des gouvernements et à des mouvements d’opposition armés qui les utilisent pour commettre des violations graves des droits humains.

2012 est une année cruciale, puisqu’en juillet, les Etats se réuniront pour négocier le texte du traité sur le commerce des armes, qui sera vraisemblablement adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en décembre prochain. C’est une occasion historique: ce document offre une chance unique de fixer enfin des règles contraignantes pour le commerce des armes.

Le risque est grand que certains gouvernements cherchent à affaiblir la portée du traité. Parmi les puissances internationales souhaitant bloquer les négociations, on compte des pays qui font partie des plus grands producteurs d’armes, comme la Chine ou la Russie. Les Etats-Unis, l’Afrique du Sud et le Brésil, quant à eux, sont encore réticents. La possibilité que les négociations ne débouchent sur aucun traité n’est pas à exclure.

N’importe qui peut certes tuer un proche ou un inconnu avec son couteau de cuisine. Mais il est sûrement bien plus difficile de commettre un massacre à l’arme blanche. Pour empêcher que de tels drames se reproduisent, il est urgent de contrôler enfin ce commerce meurtrier et d’éviter que des armes tombent entre les mains de déséquilibrés ou de gouvernements qui les utilisent contre leur population.