Suisse Pourquoi saisir le problème de l’asile à l’envers?

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 12 juin 2012 dans le quotidien 24 Heures.
Connaissez-vous le hameau de Tschorren, dans le canton de Berne? C’est une belle clairière au milieu des bois. Depuis plusieurs mois, quelques dizaines de requérants d’asile s’y sont familiarisés avec la beauté des paysages de l’Oberland bernois. Et ils s’y ennuient ferme.

manon_opinion.jpg Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © AI

Pourquoi ne trouvent-ils rien de mieux à faire que de troubler la quiétude des lieux en provoquant des bagarres nécessitant l’intervention de la police? Ces «quérulents» tiennent-ils tant que cela à apporter de l’eau au moulin de certains députés de nos Chambres fédérales qui réclament à hauts cris des «camps d’internement» pour les demandeurs d’asile délinquants ou tout simplement peu coopératifs?

Répondre par l’affirmative à cette question serait prendre le problème à l’envers. Lorsque l’on sait, statistiques de l’Office des migrations à l’appui, qu’environ 40% des personnes qui déposent une demande d’asile dans notre pays obtiennent le droit de rester sur notre territoire parce qu’elles sont menacées ou ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, force est d’admettre que de les contraindre à séjourner dans des lieux reculés, sans contact avec le monde extérieur, n’est pas la meilleure manière de préparer leur intégration dans notre pays.

Les forcer à l’inactivité, sans aucune occupation constructive, revient à les priver des bases nécessaires à une bonne compréhension de notre manière de vivre en société et par là même à rendre encore plus difficile une intégration réussie.

Cela ne semble cependant pas suffisant puisque l’on voudrait maintenant rajouter des barbelés autour de leur lieu d’hébergement et soumettre ainsi une catégorie de la population, les requérants d’asile, à une justice que l’on peut qualifier d’exception. C’est une atteinte au principe constitutionnel de l’égalité devant la loi.

Le Parlement discute ces jours d’une énième révision de la Loi sur l’asile qui devrait introduire des mesures encore plus restrictives. Certains élus ont proposé de placer à l’aide d’urgence tous les requérants d’asile dès leur arrivée en Suisse, alors même que l’on sait que près de la moitié d’entre eux resteront dans notre pays à long terme. Leur reprocher ensuite leur comportement parfois inadapté relèverait alors de la plus pure hypocrisie.

Ce n’est pas en soumettant les personnes qui viennent chercher la protection de notre pays à des conditions de vie indignes que l’on fera baisser le nombre de dealers dans nos rues. Ces durcissements successifs de la Loi sur l’asile n’ont apporté aucune solution, ils ont juste contribué à stigmatiser davantage l’ensemble des réfugiés. Pourquoi persister à empoigner le problème à l’envers? Nos élus devraient être capables de comprendre qu’aujourd’hui la solution passe par une procédure simplifiée, plus courte, avec une assistance juridique, et un traitement digne et humain.