«Il est important de créer une unité spéciale chargée de poursuivre les auteurs de crimes graves», affirme Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International.
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C’est une excellente nouvelle: les pires criminels ne jouissent plus d’une totale impunité, ce dont il faut bien sûr se réjouir. Mais cette condamnation nous rappelle que la cour est bien impuissante face à des crimes contre l’humanité comme ceux qui sont commis quotidiennement en Syrie. Sans une décision du Conseil de sécurité de l’ONU, la justice internationale est bloquée. Et même quand le Conseil de sécurité autorise la Cour à enquêter et prononcer des mandats d’arrêts, bon nombre de criminels présumés jouissent encore d’une liberté de mouvement quasi-totale.
Il en est ainsi parce que les gouvernements ne coopèrent pas comme ils le devraient avec la CPI. Le président soudanais Omar el Bechir s’est rendu plusieurs fois à l’étranger depuis qu’un mandat d’arrêt international a été lancé contre lui. Aucun des gouvernements qui l’ont accueilli n’a levé le petit doigt pour l’interpeller et le remettre à la Cour, comme ils y sont pourtant tenus par le droit international. On reproche à la CPI son manque d’efficacité, alors qu’elle est totalement dépendante du bon vouloir des États, puisqu’elle ne dispose elle-même d’aucune police et ne peut donc procéder à aucune arrestation.
La Suisse est également concernée. A plusieurs reprises déjà, des criminels de guerre se sont trouvés sur notre territoire sans qu’ils y soient arrêtés. Notre pays dispose pourtant d’une loi fédérale sur la mise en œuvre du Statut de Rome mais ce texte reste apparemment mal connu et donc peu appliqué par les autorités judiciaires cantonales.
Le Ministère public de la Confédération, chargé de mener les enquêtes sur les génocidaires, criminels de guerre et autres tortionnaires qui séjourneraient chez nous, n’a affecté à cette tâche que deux personnes qui exécutent ce travail en plus de leurs activités ordinaires. C’est nettement insuffisant et c’est la raison pour laquelle Amnesty International et la Coalition suisse pour la Cour pénale internationale ont remis la semaine dernière une pétition au Conseil fédéral.
Il est aujourd’hui important de créer, au sein du Ministère public, une unité spéciale chargée de poursuivre les auteurs de crimes graves. De nombreux pays ont franchi ce pas et avec un succès certain: 75% des condamnations pour crimes internationaux en Europe depuis la fin des années 1990 ont découlé d’enquêtes menées par ces unités spéciales. La Suisse, bardée de tout un arsenal juridique, doit maintenant se donner les moyens d’agir, si elle ne veut pas devenir une terre de refuge pour les criminels de guerre et les tortionnaires.