Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, dénonce une mise au placard des droits humains par M. Burkhalter.
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Or les chiffres publiés la semaine dernière par l’Office fédéral de la statistique sont clairs : les femmes courent plus de dangers dans leur chambre à coucher que dans un parking. Plus de la moitié des homicides commis en Suisse le sont dans le contexte familial. Et l’an dernier, plus de 38% des infractions de violence ont été de type domestique, soit près de 15’000 cas recensés par la police. Les femmes ne sont pas toujours les victimes, mais la violence domestique est tout de même quatre fois plus souvent le fait des hommes.
Depuis le début de l’établissement de la statistique policière de la criminalité, il y a seulement trois ans, on constate une diminution des cas de violence domestique dans notre pays. Mais si le nombre d’infractions a reculé, la violence physique grave, elle, augmente. Davantage d’homicides et de tentatives d’homicides, davantage de lésions corporelles graves.
Dimanche dernier a eu lieu la Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes. Dans ce domaine, la Suisse n’est pas épargnée et doit encore prendre des mesures de prévention. L’une d’entre elles devrait être de combattre le préjugé encore tenace selon lequel la violence au sein de la famille est une affaire privée et l’homicide d’un conjoint relève du «drame passionnel». Quand des femmes et des hommes meurent sous les coups de leur partenaire, l’Etat a l’obligation d’agir.
Depuis dix ans, les progrès législatifs ont été considérables : le viol au sein du couple est condamnable, la violence est poursuivie d’office, les agents de police sont formés spécifiquement et appliquent les mesures d’éloignement du domicile, des refuges pour femmes battues existent, même s’ils sont en nombre insuffisant. Les migrantes victimes d’un mari violent qui craignent de perdre leur droit de séjour devraient voir leur situation s’améliorer avec l’entrée en vigueur de la loi révisée sur les étrangers.
Mais la violence au sein du couple reste profondément enracinée. Il faut donc agir sur les mentalités. Là, les hommes ont un rôle essentiel à jouer. Puisque la majorité d’entre eux ne sont pas violents, ils doivent rappeler que masculinité ne rime pas avec brutalité. Quant aux hommes politiques qui surfent sans cesse sur le thème de l’insécurité, ils feraient bien de dénoncer aussi cette «insécurité de la chambre à coucher» qui touche de façon disproportionnée les femmes.