Le Sri Lanka, un enfer pour les personnes renvoyées

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 3 septembre 2013 dans le quotidien 24 Heures.
Hier, l’Office fédéral des migrations (ODM) a annoncé que la Suisse suspendait provisoirement les renvois vers le Sri Lanka. Un premier pas positif. Il aura malheureusement fallu l’arrestation d’une famille sri lankaise domiciliée dans le canton de Saint-Gall, lors de son arrivée à Colombo il y a deux semaines, pour que l’ODM réalise enfin que les renvois vers ce pays sont dangereux.

196_manon.jpg Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International © AI

Le père est toujours détenu et les autorités suisses tentent d’éclaircir les circonstances de son arrestation. Mais ce cas n’est pas unique. Au moins deux autres requérants ayant reçu une réponse négative de la Suisse ont été mis en prison et maltraités en arrivant au Sri Lanka. Et une dizaine de situations identiques ont été signalées après un renvoi par d’autres pays européens. Cela montre que le gouvernement sri lankais soupçonne toute personne qui a tenté de se réfugier à l’étranger d’être un opposant potentiel.

Car cette île d’Asie du Sud n’est pas le paradis que l’on croit. En tout cas pas pour tous ses habitants. Certes, le pays n’est plus en guerre, depuis que la rébellion des Tigres tamouls a été écrasée dans le sang en 2009. Entre 40'000 et 70'000 civils ont alors été tués en quelques semaines, lors des bombardements de l’armée sur les zones tamoules. Aujourd’hui encore, les autorités nient le massacre et refusent toute enquête indépendante et impartiale sur ces crimes de guerre.

Opposants politiques, journalistes critiques, Tamouls : les victimes de la persécution gouvernementale sont nombreuses. Torture, détentions arbitraires, ou disparitions forcées, ont lieu dans l’impunité la plus totale.

Le Sri Lanka refuse toute « ingérence » internationale et n’a autorisé la visite de la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, la semaine dernière, qu’après plusieurs années de demandes insistantes. Navi Pillay a d’ailleurs souligné que de  nombreuses personnes qui voulaient la rencontrer durant sa mission avaient été menacées par les forces de sécurité sri lankaises.

Dans ce contexte, la décision de l’Office des migrations de suspendre temporairement les renvois est bienvenue, mais totalement insuffisante. Aucun accord de réadmission ne devrait être négocié avec un pays qui viole les droits humains. Près de 50’000 personnes d’origine sri lankaise vivent en Suisse. Notre pays doit donc assumer une responsabilité particulière à leur égard.

C’est pourquoi Amnesty International a lancé une campagne qui demande aux autorités suisses de stopper complètement les renvois vers le Sri Lanka et d’exercer une forte pression sur le gouvernement sri lankais pour qu’il respecte enfin les droits fondamentaux. Ne nous laissons pas éblouir par l’image idyllique que tentent de montrer ce gouvernement et l’industrie du tourisme.