Par Manon Schick, directrice d'Amnesty International Suisse.
© Valérie Chételat.
Dans ce pays d’Amérique centrale, la loi sur l’avortement est l’une des plus restrictives du monde. L’interdiction s’étend même dans les cas où la vie de la femme serait en danger. Certaines femmes sont ainsi confrontées au « choix » d’être incarcérées si elles interrompent leur grossesse ou de mourir si elles ne l’interrompent pas.
En raison de cette interdiction totale, les avortements clandestins sont fréquents et les méthodes utilisées très dangereuses pour la santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 11% des femmes qui ont subi un avortement clandestin au Salvador sont décédées des suites de cette intervention.
Même les femmes qui font une fausse couche risquent la prison. C'est ce qui est arrivé à María Teresa Rivera, qui purge actuellement une peine de 40 ans de prison. Cette Salvadorienne ignorait qu'elle était enceinte quand elle a eu un malaise dans l'usine de confection où elle travaillait. Elle a été transportée d'urgence à l'hôpital, où un membre du personnel l'a dénoncée à la police. En juillet 2012, elle a été jugée et déclarée coupable d'homicide aggravé.
Amnesty International a aussi recueilli le témoignage d’un médecin qui aurait souhaité pouvoir interrompre la grossesse d’une fillette de dix ans, enceinte suite à un viol. «Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle nous a demandé des crayons de couleur, ça nous a fendu le cœur.» La fillette a été forcée de mener sa grossesse à terme.
Dans le cadre de la campagne « Mon corps, mes droits », Amnesty International appelle le gouvernement du Salvador à décriminaliser l'avortement en toutes circonstances. Les autorités salvadoriennes doivent garantir l'accès à des services d'avortement sûrs et légaux au moins pour les femmes et les jeunes filles dont la grossesse met en danger la vie ou la santé, lorsque la grossesse est le résultat d’un viol ou lorsque le fœtus présente de graves malformations létales.
Les droits sexuels des femmes ne sont pas encore garantis dans le monde. Aujourd’hui, 40% des femmes en âge de procréer vivent dans des pays où l’avortement est interdit, limité ou inaccessible. Des retours en arrière ne sont pas rares non plus, comme le montrent les lois restrictives adoptées dans des pays d’Amérique centrale, avec le soutien des milieux conservateurs et de la hiérarchie de l’Église catholique.
Heureusement, la mobilisation de la société civile porte ses fruits : suite à d’immenses manifestations, le gouvernement espagnol vient de retirer son projet de loi qui aurait réduit considérablement l’accès à l’interruption de grossesse. Un pas dans la bonne direction pour le droit des femmes à disposer de leur corps.