Torture La torture, encore une réalité

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 13 mai 2014 dans le quotidien 24 Heures.
Depuis les attentats du 11 Septembre 2001 et la guerre contre le terrorisme qui les a suivis, la torture est défendue par les États qui y ont recours et présentée comme une pratique acceptable par de nombreux médias, notamment dans des séries télévisées. Des techniques du genre «waterboarding» (simulacre de noyade) sont devenues admissibles dans l’esprit des gens. Selon un sondage mené cette année dans 21 pays, un tiers de la population mondiale trouve que le recours à des interrogatoires violents est légitime, si cela permet de sauver d’autres vies.

Manon Schick Par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © AI

Lorsqu’on maltraite quelqu’un pour obtenir de lui des renseignements, on parvient parfois à le faire parler. Mais lorsqu’il parle, c’est souvent parce qu’il est prêt à dire n’importe quoi pour que la douleur cesse : toute la vérité, une partie de la vérité ou son contraire. La torture est inefficace, abjecte et immorale, et ceci dans n’importe quelle situation.

La Convention contre la torture a été adoptée il y a trente ans. Une étape essentielle dans la lutte contre ce fléau. La convention prévoit des mesures inscrites dans la loi et spécifiquement conçues pour empêcher la torture, en punir les auteurs et garantir justice et réparation aux victimes. Mais bon nombre de pays pourtant signataires de ce texte ne respectent pas leurs obligations.

Amnesty International avait mené campagne pour que cette convention existe. Aujourd’hui, nous lançons une campagne mondiale, intitulée «Stop torture», pour que cette convention soit enfin mise en œuvre. Les États doivent instaurer des garanties efficaces contre la torture : tenir un registre des arrestations, garantir aux détenus l’accès à leur famille et à un avocat, enregistrer les interrogatoires, et permettre à des commissions de surveillance indépendantes d’accéder quand elles le souhaitent à n’importe quelle cellule.

Des mesures simples, qui permettent de réduire drastiquement les cas de torture dans les pays où elles sont appliquées. Mais ce n’est pas suffisant : il faut aussi poursuivre les tortionnaires, et donc inscrire l’interdiction de la torture dans le code pénal, ce que la Suisse n’a pas encore fait. Or, il arrive que des militaires étrangers qui ont commis des actes de torture dans leur pays choisissent la Suisse pour y passer leur retraite. Notre pays doit montrer l’exemple en condamnant expressément tout acte de torture et en traduisant les tortionnaires en justice.