Par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse
© Valérie Chételat
A la veille de la Journée mondiale des droits humains, force est de reconnaître qu’une année terrible s’achève et que rien ne laisse envisager que 2015 sera meilleure, hélas. Car bon nombre de conflits vont se prolonger : la guerre dans l’est de l’Ukraine et les tensions entre l’Europe et la Russie, les millions de réfugiés fuyant la Syrie, les exactions commises par le groupe État islamique, les hostilités récurrentes entre Israël et le Hamas à Gaza, les massacres en République centrafricaine et au Congo…
La liste semble cette année dépasser tout ce à quoi on pouvait s’attendre. Sans compter la situation en Suisse, où l’année électorale laisse prévoir une récupération politique de la question de l’asile, au moment pourtant où il n’y a jamais eu autant de personnes déplacées dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale : plus de 51 millions d’individus ont dû quitter leur foyer, une augmentation massive principalement due à la guerre en Syrie.
Face à tant de drames, on me demande souvent comment je fais pour ne pas baisser les bras. Tout d’abord, il y a toujours de bonnes nouvelles qui nous montrent que notre combat pour la justice n’est pas vain. Deux exemples récents : la semaine dernière, l’exécution d’un condamné à mort au Texas, Scott Panetti, qui souffre de graves troubles mentaux, a finalement été suspendue après une immense vague d’indignation et de mobilisation.
Le mois passé, Angel Colón, un migrant sans-papiers torturé par la police mexicaine qui a passé cinq ans en détention provisoire, a enfin été libéré et a remercié tous les membres d’Amnesty qui s’étaient engagés en sa faveur : «Je voudrais dire à tous ceux qui me montrent leur solidarité et sont contre la torture et la discrimination de ne pas relâcher leur vigilance. Un nouvel horizon se fait jour.»
Mais surtout, nous avons le devoir, nous qui vivons en Suisse, de ne pas baisser les bras. Ici, nous pouvons agir, chercher des soutiens pour les causes que nous défendons, utiliser notre parole en toute liberté, et ceci sans prendre le risque d’être jeté en prison ou de se faire assassiner en sortant dans la rue.
Tant de gens n’ont pas cette liberté. Je pense notamment au moine bouddhiste Loun Sovath, que j’avais rencontré à Genève quand il y a reçu le Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits humains, il y a deux ans. Ce moine filme à l’aide de son iPad les expulsions forcées de communautés paysannes au Cambodge. En raison de son action, il est sans cesse victime de harcèlement et de menaces de mort, et il encourt actuellement deux ans de prison pour «incitation», une charge sans aucun fondement.
A travers le monde, nombreuses sont les personnes qui ont besoin de notre soutien et de notre voix. Ne les laissons pas tomber.