Le travail forcé entache la réputation de la FIFA

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 16 septembre 2014 dans le quotidien 24 Heures.
Le premier sommet mondial sur l’éthique dans le sport se tiendra ce vendredi à Zurich. Dans les locaux de la FIFA. L’occasion d’analyser comment le sport peut contribuer à améliorer le monde, mais aussi d’aborder les problèmes de la corruption et de la responsabilité sociale des organisations sportives. On ne peut que se réjouir que les organisateurs de grands événements sportifs entament enfin leur examen de conscience.

Manon Schick Par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © AI

J’irai leur parler du Qatar. Parce qu’il est essentiel de rappeler la responsabilité de la FIFA vis-à-vis des violations massives des droits des travailleurs migrants qui sont en train de construire les stades pour le Mondial de football 2022. Bien sûr, le premier responsable est le gouvernement du Qatar, qui promet des réformes mais ne prend aucune mesure réellement efficace pour éviter que des travailleurs migrants ne soient traités comme des esclaves.

Le chercheur d’Amnesty International qui s’est rendu à plusieurs reprises au Qatar a rencontré des dizaines d’ouvriers. Ceux-ci vivent dans des conditions choquantes, travaillent sans recevoir leur salaire et les autorités refusent de rendre leur passeport alors que ces hommes veulent absolument rentrer chez eux. Et ce ne sont pas des cas isolés : 90% des travailleurs étrangers se voient confisquer leur passeport, et un ouvrier sur cinq reçoit son salaire en retard, voire jamais. Ces migrants subissent du travail forcé dans un des pays les plus riches au monde !

Mais la FIFA et les entreprises internationales ont aussi les mains tachées du sang des centaines d’ouvriers décédés sur les chantiers. Quand la FIFA attribue à un pays le droit d’organiser un événement tel que la Coupe du monde de football, elle assume une partie de la responsabilité des violations des droits humains occasionnées par cette décision. Elle doit donc s’assurer que des systèmes sont en place pour prévenir les abus au niveau local.

Et surtout elle doit maintenir une pression constante pour que le gouvernement modifie ses lois et ses pratiques dans le domaine des droits des travailleurs.

Quant aux multinationales impliquées dans la construction de routes et d’hôtels, elles doivent respecter les principes des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés en 2011. Pourquoi faut-il autant de temps pour mettre en place des mesures aussi simples que la possibilité pour les ouvriers de se plaindre auprès d’une personne indépendante, de les informer sur leurs droits dans une langue qu’ils comprennent, d’organiser des visites inopinées dans les camps où ils sont logés ?

Les trois acteurs – le gouvernement du Qatar, la FIFA et les entreprises multinationales – ont tous un rôle à jouer pour mettre fin aux violations liées à l’organisation de la Coupe du monde. Aucun de ces trois acteurs n’assume pleinement ses responsabilités.