© REUTERS/Navesh Chitrakar
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Opinion Attentats de Paris : la guerre seule ne résoudra rien

17 novembre 2015 - Opinion signée par Nadia Boehlen, Porte-parole de la Section suisse d’Amnesty International.
Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre des terroristes ont mené six attaques simultanées au cœur de Paris faisant 129 morts.

Moins d’une année après les attentats de Charlie Hebdo, qui touchaient un symbole de la liberté d’expression, ceux de la semaine passée ont eu lieu au cœur de la vie nocturne parisienne. Ils ont été perpétrés de manière particulièrement perverse, à la fin de la semaine de travail, dans nos rues, sur nos places et nos terrasses. Les terroristes s’en sont pris à notre manière de goûter au temps libre : le sport, la musique, les lieux de sorties de la jeunesse.

On ne peut que partager le deuil des familles françaises touchées par les attentats. On ne peut que condamner avec la plus grande fermeté ces attaques. L’Etat français se doit d’enquêter rapidement pour que les responsables de ces actes soient traduits en justice. Il se doit aussi d’assurer la sécurité des Français et des Françaises sous le choc et, de pair avec les démocraties occidentales, trouver des stratégies, au niveau géopolitique et sécuritaire, pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Malheureusement la guerre seule, que ce soit en Irak ou en Syrie, épicentres du groupe armé Etat islamique, ou sur le territoire français, non seulement ne viendra pas à bout de la violence, mais risque d’engendrer de nouvelles formes de violences. Les mesures adoptées par les Etats-Unis de George W. Bush dans le cadre de la guerre contre le terrorisme déclarée dans le sillage des attentats terroriste du 11 septembre 2001, ont engendré de graves violations des droits humains. En recourant à la torture et avec la mise en service de Guantánamo, les Etats-Unis ont contribué à légitimer et banaliser des méthodes que des terroristes ont ensuite mises en scène dans les vidéos montrant la décapitation d’otages occidentaux. Et les guerres que les USA ont menées contre l’Afghanistan et l’Irak, loin d’éradiquer la menace du terrorisme, ont au contraire allumé de nouveaux foyers. L’Etat islamique, coalition d'extrémistes sunnites montée par d'anciens officiers de l'armée irakienne fidèles à Saddam Hussein, est né sur les cendres du conflit irakien.

Les récents attentats doivent nous interpeler sur le fossé qui existe entre nos pays de nantis et le reste de la planète. Ils doivent nous interroger sur la fracture qui existe au cœur de nos sociétés. Lorsque des jeunes hommes, produits de nos sociétés, sont prêts à se faire exploser au nom d’un islam anti-occidental et rétrograde, c’est qu’ils sont en perte de valeurs et de perspectives. L’action terroriste, en leur donnant le sentiment de réaliser un acte héroïque, leur donne une fonction, un rôle, qu’ils ne trouvent plus dans nos sociétés. L’EI se nourrit des inégalités dans le monde et du malaise social au cœur de nos sociétés. Lui répondre uniquement par des actes guerriers ne résoudrait rien. Tout comme il ne servirait à rien d’amalgamer les musulmans de France ou les personnes qui cherchent refuge à nos portes à des terroristes par des propos ou des mesures démagogiques. Ces attentats mettent nos sociétés devant un enjeu de civilisation. Face à la barbarie, répondront-elles par la force brutale ? Ou auront-elles la sagesse de s’en distancier, notamment en remettant en cause leur propre fonctionnement ?