Frontière entre la Hongrie et la Serbie © Amnesty International
Frontière entre la Hongrie et la Serbie © Amnesty International

Opinion Des murs et des barbelés contre les réfugiés

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 31 août 2015 dans le journal 24 Heures.
C’est officiellement depuis aujourd’hui que la frontière entre la Hongrie et la Serbie est fermée pour empêcher le passage des migrants. Ces derniers jours, des milliers de personnes ont encore tenté de se faufiler sous les barbelés, avant que le mur ne soit terminé.

Par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © Amnesty International

Les images dantesques de ces parents qui essaient d’écarter le fil de fer et de leurs enfants en pleurs me rappellent ces photos en noir et blanc prises lors de la construction du mur de Berlin, en 1961. Des milliers de personnes avaient là aussi tenté jusqu’au dernier moment de sauter par-dessus la barrière, alors que le monde entier assistait à l’érection du mur de la honte.

Ces dernières années, la seule réponse de l’Europe vis-à-vis des réfugiés a été de bâtir une forteresse. L’Union européenne a ainsi dépensé des milliards à assurer sa « sécurité », en construisant des barrières ou en patrouillant en mer pour refouler les bateaux, plutôt que de se préoccuper de comment aider des êtres humains qui ont besoin de protection.

Il aura fallu les milliers de morts en mer Méditerranée au début de cette année pour que l’Europe remette sur pied une opération de secours maritime digne de ce nom. Combien faudra-t-il de « camions de la mort », remplis des cadavres décomposés de réfugiés syriens, pour que les gouvernements réalisent que la réponse sécuritaire ne résout rien ? Parler de « tragédie » relève de l’hypocrisie. Les autorités européennes savent que ces « tragédies » sont provoquées par leur politique de fermeture des frontières et qu’elles seraient évitables.

Face à l’ampleur de la crise actuelle en Syrie et face aux mouvements migratoires sans précédent, il est urgent de rétablir des voies d’accès légales et sûres vers les pays d’Europe. On éviterait ainsi d’engraisser des passeurs sans scrupules et de faire courir un danger de mort à des personnes qui obtiendront de toute façon un statut de réfugié.

Cela exige que les Etats se concertent et s’accordent sur une répartition équitable des contingents de réfugiés, pour éviter que la Grèce et l’Italie se retrouvent seules à gérer ce fardeau. La Suisse avait montré la voie en proposant d’accueillir un contingent de 2000 personnes vulnérables et 1000 proches de personnes admises provisoirement. Une demi-année plus tard, seules 23 ont été accueillies alors que des millions de Syriens vivent dans des conditions extrêmement précaires au Liban ou en Turquie. Nos autorités doivent tout entreprendre pour accélérer ce processus.

Face à la détresse des réfugiés, nos gouvernements doivent remplacer les murs par de la solidarité et de l’humanité, et se rappeler qu’au siècle passé, c’étaient les populations européennes qui prenaient la route par millions.