Iran: Les femmes ou l’arme nucléaire?

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue le 31 mars 2015 dans le quotidien 24 Heures.
Lausanne vit ces jours au rythme des discussions sur le nucléaire iranien. Les grands de ce monde se rencontrent dans les salons feutrés du Beau-Rivage et négocient pour éviter que l’Iran ne se dote de la bombe atomique.

Manon Schick Par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © Valérie Chételat

Ce compromis est crucial pour enrayer la course aux armements. Mais pendant que les ministres discutent, les femmes iraniennes, elles, n’ont d’autre choix que de se taire. Depuis des décennies, leurs droits sont bafoués. Leur parole devant un tribunal vaut la moitié de celle d’un homme, elles n’ont pas le droit d’hériter et subissent le poids des discriminations.

Elles pourraient même être transformées en des «machines à faire des bébés» si deux projets de loi sont adoptés le mois prochain. En effet, la natalité a fortement diminué : de sept naissances par femme en 1980, le nombre a baissé à 1.85 en 2014. Les autorités iraniennes veulent lutter contre ce déclin en pénalisant les femmes qui n’ont pas d’enfants.

Le projet de loi «visant à accroître le taux de fertilité et à prévenir le déclin de la population» interdit la stérilisation volontaire, qui serait la deuxième méthode de contraception en Iran, et bloque l’accès à l’information sur la contraception. Alliée à la suppression du financement par l’État du programme de planning familial, cette mesure se traduirait par une augmentation des grossesses non désirées, contraignant un nombre accru de femmes à se tourner vers un avortement illégal.

La restriction de l’accès aux préservatifs, qui étaient auparavant distribués dans les centres de santé urbains et les dispensaires ruraux, aurait pour conséquence la recrudescence des maladies sexuellement transmissibles.

Un autre projet de loi, sur «la population et l’exaltation de la famille», qui doit être débattu au Parlement iranien en avril, renforcerait la discrimination liée au genre, notamment à l’égard des femmes qui font le choix de ne pas se marier et de ne pas avoir d’enfant, ou qui ne le peuvent pas. Ce texte de loi enjoint à tous les organismes privés et publics, lorsqu’ils recrutent à certains postes, d’accorder la priorité, dans l’ordre, aux hommes ayant des enfants, aux hommes mariés sans enfant et aux femmes mariées ayant des enfants. En outre, ce texte rend plus difficile le divorce et décourage l’intervention de la police et de la justice dans les conflits au sein de la famille, accroissant le risque de violences conjugales.

Ces projets de loi véhiculent l’idée que les femmes ne sont bonnes qu’à être des femmes au foyer obéissantes et à faire des bébés. Or, la réalité est bien différente : les femmes iraniennes représentent la majorité des étudiants diplômés. À quand un sommet à Lausanne pour demander le respect par l’Iran des droits de la moitié de sa population ?