En 2014, lors des mois précédant la Coupe du monde de football, la police a blessé de nombreuses personnes et en a arrêté des centaines d'autres, notamment lors de manifestations pacifiques. Cette année-là, la police et l'armée étaient en charge de la sécurité dans les villes hôtes de compétitions sportives. Pourtant, au moins 580 personnes ont été tuées au cours d'opérations de maintien de l'ordre rien que dans l'État de Rio de Janeiro.
Mon collègue directeur d’Amnesty International au Brésil, Atila Roque, craint le pire pour cet été, car les autorités ont mis en place les mêmes mesures déplorables en matière de sécurité que celles qui étaient en vigueur durant le Mondial. Elles ont récemment annoncé le déploiement de quelque 65 000 policiers et 20 000 soldats pour assurer la sécurité lors des Jeux olympiques, ce qui représentera la plus vaste opération de maintien de l'ordre jamais organisée au Brésil.
«Le Brésil semble avoir très peu appris des graves erreurs qu'il a commises au fil des ans en matière de sécurité publique», explique mon collègue. «La politique du "tirer d'abord, interroger ensuite" a fait de Rio de Janeiro l'une des villes les plus meurtrières au monde. Le nombre croissant de violations des droits humains perpétrées lors de grands événements sportifs et l'absence d'enquêtes efficaces constituent les ingrédients d'un désastre.»
En mars dernier, Dilma Rousseff, qui était alors encore cheffe de l’État, a ratifié une nouvelle loi antiterroriste avec des dispositions rédigées en termes très vagues. Cette loi permet aux autorités de recourir à des mesures iniques contre des manifestants et des militants pacifiques. Le 10 mai dernier, le gouvernement fédéral a ratifié une nouvelle loi relative aux Jeux olympiques, qui prévoit de nouvelles restrictions des droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique dans de nombreux secteurs de Rio.
De plus, l’État de Rio, en crise budgétaire aiguë, a décrété vendredi «l’état de calamité publique» et va couper dans les dépenses publiques. Une jeune réalisatrice brésilienne invitée à témoigner en Suisse romande il y a deux mois avait souligné le gouffre financier créé par les Jeux et rappelé que la population préférerait avoir des services publics de meilleure qualité plutôt que des JO qui ne lui profiteront pas.
Sans des mesures urgentes, le Brésil risque de répéter les mêmes erreurs qu’il y a deux ans et la population carioca de traverser un été fort peu sportif.