Opinion Un «Oui» critique à la loi sur l’asile

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, le 10 mai 2016
La décision de soutenir la révision de la loi sur l’asile, le 5 juin prochain, n’a pas été facile à prendre. En tant qu’organisation qui défend le droit d’asile depuis des décennies, Amnesty International s’est toujours opposée aux durcissements successifs de cette loi en Suisse.

Par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © Valérie ChételatLa modification sur laquelle se prononcera le peuple suisse représente elle aussi un durcissement, il ne faut pas le cacher. Mais dans l’ensemble, les points positifs font pencher la balance en faveur du oui. Ainsi, les requérants recevront une information approfondie sur la procédure d’asile avant même que celle-ci ne commence. Ils bénéficieront d’une assistance juridique systématique, essentielle pour que tous les éléments figurent dans le dossier au moment de la prise de décision.

Autre point positif : les cantons auront l’obligation légale de scolariser les enfants hébergés dans les centres fédéraux. Une mesure bienvenue puisque l’accès à la scolarisation fait aujourd’hui cruellement défaut dans ces centres. La loi prévoit également l’obligation de prendre en compte les besoins particuliers des requérants mineurs non accompagnés, des familles avec enfants et des personnes âgées ou handicapées.

Cette loi est loin d’être parfaite. Mais le système proposé au peuple suisse fait déjà l’objet d’un test, dans un centre basé à Zurich, et les résultats intermédiaires sont positifs. Les procédures accélérées permettent notamment aux personnes victimes de torture, d’être plus rapidement prises en charge et de recevoir un statut de réfugié en quelques semaines, ce qui est impensable dans le système actuel.

Ces dernières années, notre coordinatrice asile a dû traiter les dossiers de plusieurs personnes torturées qui, faute de prise en charge précoce, ont reçu une décision d’asile négative, confirmée par le Tribunal administratif fédéral. C’est seulement dans le cadre d’une deuxième, voire même d’une troisième procédure de réexamen que ces personnes ont finalement été reconnues comme réfugiées, suite à notre intervention pour compléter les faits et les informations sur la situation des droits humains dans leur pays d’origine. Ce parcours du combattant pour obtenir l’asile en tant que victime de torture est extrêmement douloureux.

L’assistance juridique permet par ailleurs de minimiser les risques de décisions erronées : dans les dossiers du centre test de Zurich que nous avons pu examiner, les auditions des requérants d’asile sont plus complètes et les informations sur les pays d’origine sont mieux prises en compte. C’est pour ces raisons qu’Amnesty International appelle à voter oui le 5 juin prochain à la modification de la loi sur l’asile. Tout en sachant qu’il faudra garder un œil attentif sur sa mise en œuvre après la votation.