Rapport sur les exécutions à la prison de Saidnaya en Syrie. © Cesare Davolio
Rapport sur les exécutions à la prison de Saidnaya en Syrie. © Cesare Davolio

Opinion Les dénégations du président syrien sont insuffisantes

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue dans le 24 heures, le 14 février 2017.
La semaine dernière, Amnesty International publiait un rapport épouvantable sur des exécutions de masse dans la prison syrienne de Saidnaya (voir 24 Heures du 8 février).

Par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse. © Valérie Chételat

Après une année d’enquête, notre organisation a mis au jour un système généralisé d’exécutions dans ce centre de détention, que nous avons décrit comme «l’abattoir humain». Près de 13'000 personnes y ont été pendues en secret sur une période de cinq ans. Dans la plupart des cas, il s’agissait de civils qui s’opposent au régime.

Certes, mes collègues n’ont pas été autorisés à se rendre en Syrie. Mais ils ont interrogé 84 témoins, dont des anciens responsables ou gardiens de la prison, des anciens détenus qui ont réussi à en sortir vivants, des juges et des avocats, ainsi que des experts nationaux et internationaux de la détention en Syrie. Ces témoignages, fiables et concordants, sont accablants pour les autorités syriennes, car il est impossible que cette politique d’extermination soit menée sans qu’elles ne soient au courant.

La réaction, tant du gouvernement syrien que de son allié russe, ne s’est pas fait attendre. Le ministère syrien de la Justice a indiqué via l’agence de presse officielle Sana que ce rapport était «totalement faux et destiné à ternir la réputation de la Syrie dans les instances internationales». La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a quant à elle déclaré que ce rapport n’était qu’une «provocation ciblée visant à mettre de l’huile sur le feu de ce conflit finissant».

Dans une interview à Yahoo News, le président Bachar el-Assad a lui essayé de discréditer les résultats de l’enquête. Il admet pourtant qu’il n’a jamais mis les pieds dans cette prison et reconnaît que la Syrie pratique des exécutions, sans toutefois donner davantage d’informations à ce sujet. Il avait déjà remis en cause les conclusions d’autres rapports en dénigrant les enquêteurs, mais sans jamais répondre sur le fond des accusations.

De telles enquêtes sont essentielles pour établir la responsabilité des parties en conflit. Elles permettront un jour de traduire les coupables en justice, qu’ils soient les commanditaires ou les exécutants. Une plainte contre le gouvernement syrien vient d’être déposée en Espagne, d’autres ne manqueront pas de suivre.

Si le gouvernement syrien n’a rien à cacher, alors il doit autoriser les organisations internationales, telles qu’Amnesty ou le CICR, à visiter les centres de détention. Mais, fort du soutien russe, le président syrien persiste à refuser que des observateurs internationaux aient accès aux prisons. Par crainte que ceux-ci ne confirment la torture et les exécutions?