Amal était une militante pour la paix en Syrie. Son engagement lui a valu d’être arrêtée, torturée, détenue pendant plusieurs mois dans des conditions inimaginables. Lorsqu’elle a été relâchée, elle a préféré prendre la fuite pour ne pas risquer une nouvelle arrestation. Comme elle avait participé à une conférence sur la paix à Genève, elle avait un visa d’entrée pour la Suisse. Elle est donc revenue dans notre pays pour y déposer sa demande d’asile, accompagnée de son mari.
Tout aurait été bien qui finit bien, si elle n’avait pas été victime de l’application aveugle du règlement Dublin. Les autorités suisses ont en effet constaté que son mari n’avait pas de visa pour la Suisse, mais un visa émis par la République tchèque, vu qu’il y avait participé quelques mois plus tôt à une réunion sur l’avenir de la Syrie. Il a donc été envoyé à Prague pour que ce pays traite sa demande d’asile, alors qu’Amal, elle, restait en Suisse. Il a fallu un an d’interventions à tous les niveaux pour obtenir que le couple soit enfin réuni.
Ce cas n’est malheureusement pas unique. La Suisse applique le règlement Dublin de façon particulièrement scrupuleuse, puisqu’elle est en tête des renvois au niveau européen. Ce règlement prévoit que le premier pays européen qu’un requérant d’asile traverse est responsable de traiter sa demande d’asile. Un membre d’une famille a été enregistré dans un autre pays membre de l’espace Dublin ? Il risque d’y être renvoyé. Qu’importe si le reste de la famille vit déjà en Suisse.
Séparer les familles, arracher des enfants scolarisés à leur classe en milieu d’année scolaire, interrompre des traitements médicaux pour des personnes gravement malades, renvoyer des femmes enceintes sans s’assurer qu’elles pourront dormir dans un foyer… Autant d’attitudes indignes d’un pays comme la Suisse qui vante sa tradition humanitaire. Agir de la sorte, n’est pas seulement une application scrupuleuse du règlement, c’est de l’aveuglement !
Plusieurs organisations se mobilisent depuis des mois pour appeler le Conseil fédéral à modifier ces pratiques. Le règlement Dublin contient d’ailleurs une clause qui permet à un pays d’entrer en matière sur une demande d’asile « pour des motifs humanitaires, de compassion et pour permettre le rapprochement des membres de la famille ». Plus de 33'000 personnes à travers la Suisse et 200 organisations nationales et cantonales, dont des médecins et des associations d’enseignants, soutiennent cet appel à mieux protéger les enfants et les réfugiés particulièrement vulnérables.
Nos autorités entendront-elles ces nombreuses voix qui réclament une application plus humaine du règlement Dublin? Il faut protéger les réfugiés plutôt que d’essayer par tous les moyens bureaucratiques possibles de se débarrasser de notre responsabilité.