© matefine / shutterstock.com
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Opinion La décision de mise en détention doit rester entre les mains des juges

Opinion signée par Manon Schick, directrice de la Section suisse d’Amnesty International, parue dans le 24 heures, le 27 février 2017.
Dans notre système fédéraliste, les cantons sont en charge de la justice et de la police. Cela conduit parfois à des inégalités de traitement, selon le canton où l’on réside. Mais cela entraîne aussi des bonnes pratiques qui peuvent servir d’exemple aux autres cantons.

manon-schick.jpgLe canton de Vaud révise actuellement son système d’application des mesures de contrainte. En comparant la situation qui prévaut en terre vaudoise avec d’autres cantons, Amnesty International a constaté que le système vaudois avantage les droits humains. En effet, nous avons dû intervenir à plusieurs reprises, notamment en Valais, pour déplorer le fait que des requérants d’asile aient été arrêtés et incarcérés pendant des mois alors qu’ils n’avaient commis aucun délit, sur la base d’une décision administrative et non pas judiciaire.

Le Grand Conseil vaudois doit se prononcer sur un éventuel transfert de compétences de la justice de paix vers l’administration pour les décisions de placement en détention administrative. Cette mesure entraînerait une importante perte de qualité des décisions prises et un risque majeur de violation du principe de la proportionnalité. Nombreux sont les cas où Amnesty International a observé un manque évident de compétences juridiques de la part de l’administration cantonale ou fédérale qui décide de la détention administrative.

Dans certains cantons, les arrestations de parents, les placements d’enfants en bas âge, les arrestations de mineurs et d’autres personnes vulnérables ne sont que quelques-unes des conséquences parfois dramatiques de cette incompétence. Amnesty International a aussi très souvent constaté que le droit d’être entendu n’est lui non plus pas totalement respecté par les administrations cantonales. Les auditions restent très sommaires et ne tiennent pas compte de manière exhaustive de la situation des personnes concernées. Dans certains cas, l’administration cantonale n’a même pas fait recours à un interprète.

Ces pratiques ne sont pas dignes d’un État de droit et portent gravement atteinte aux droits des personnes concernées, notamment à la liberté personnelle ainsi qu’au droit à une justice équitable. Ceci est d’autant plus grave dans un domaine où nous avons à faire à des personnes qui fréquemment remplissent les critères leur permettant d’être reconnues comme réfugiées, mais dont le seul tort est d’avoir déposé leur demande d’asile dans un pays qui n’est pas compétent pour l’examiner.

Le canton de Vaud doit maintenir le système actuel et ne pas restreindre les compétences de la justice de paix en les transférant à l’administration. C’est le seul moyen de garantir l’État de droit et le respect des droits humains.