Opinion Vaud veut parquer les requérants à la montagne

Opinion signée par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 19 décembre 2017.
Pour Manon Schick, directrice d'Amnesty Suisse, la proposition du Conseil d'Etat vaudois d'ouvrir un centre spécialisé dans les renvois isolé dans les Alpes vaudoise est une fausse bonne solution.

Dailly ou pas Dailly? La question est récurrente depuis des mois au sein de l’administration, tant vaudoise que fédérale. Dans le cadre de la nouvelle organisation de l’asile en Suisse, Berne a réattribué les centres fédéraux entre les différents cantons. Le centre d’enregistrement de Vallorbe devrait probablement fermer ses portes. Mais le canton de Vaud, l’un des plus peuplés de Suisse, doit assumer sa part et proposer un emplacement pour un «centre de départ».

C’est là que le bât blesse. Quelle commune accepterait en effet de gaîté de cœur un centre spécialisé dans les renvois? Dans l’imaginaire collectif, ce centre sera rempli d’hommes qui refusent de partir et qu’on enferme en attendant de pouvoir les renvoyer de force. C’est sans doute pour cette raison que le Conseil d’État vaudois a proposé de réaffecter l’ancien fort militaire de Dailly, sur les hauts de Lavey, et de le transformer en centre de départ.

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga trouve l’emplacement inadapté. Elle a raison. Un endroit complètement isolé et difficilement accessible à la société civile, notamment en hiver, ne constitue pas un emplacement adéquat pour y héberger des requérants d’asile. Ma collègue en charge de l’asile à Amnesty International Suisse s’est rendue à plusieurs reprises au centre du Glaubenberg – un col à la frontière entre les cantons de Lucerne et d’Obwald. Elle a pu constater les difficultés importantes posées par ces centres de montagne, au niveau logistique, mais surtout pour les requérants d’asile.

L’accès à l’aide juridique est très difficile lorsque les transports publics sont restreints. La difficulté qu’avaient les ambulances à accéder à ce site a conduit à l’évacuation de certains malades par hélicoptère. Un centre comme celui de Dailly peut représenter une solution provisoire en situation d’afflux majeur, mais ne peut en aucun cas être envisagé comme une solution définitive.

L’erreur du Secrétariat d’État aux migrations a été de donner la dénomination «centres de départ» à ces foyers. Il s’agit bien davantage de centres d’attente pour des personnes qui se trouvent dans la procédure d’asile. L’expérience du centre d’Embrach dans le canton de Zurich, qui remplit la même fonction que celle dévolue à Dailly, montre que seule une minorité des personnes hébergées a déjà reçu une décision définitive de renvoi. Les autres attendent un jugement sur leur recours ou sur le pays européen compétent pour traiter leur demande d’asile. Un certain nombre d’entre elles verront finalement leur demande examinée par la Suisse.

Parquer les requérants d’asile à la montagne, loin de tout, retarde leur intégration. Le canton de Vaud, qui s’est souvent distingué pour sa défense des réfugiés, doit chercher un autre emplacement.