Opinion Égalité salariale: une baffe scandaleuse

Opinion signée par Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 13 mars 2018.
Manon Schick revient sur la décision du Conseil des États d’enterrer le débat sur la loi sur l’égalité salariale entre femmes et hommes. Un pas en arrière qui ne manque pas de rappeler que la lutte pour les droits des femmes est loin d'être terminée.

217 ans. C’est, selon un calcul du World Economic Forum (WEF), le nombre d’années qu’il faudra encore patienter pour atteindre l’égalité salariale entre femmes et hommes au niveau mondial. Inutile de préciser que ni vous ni moi ne serons encore sur cette planète, et que même nos arrière-petites-filles ne recevront sans doute toujours pas le même salaire que nos arrière-petits-fils, à travail pourtant égal.

En matière de participation des femmes à la vie économique, la Suisse ne pointe qu’au 31e rang du classement du WEF. Et notre pays n’a guère de chance d’améliorer son classement, vu la décision du Conseil des États, la semaine dernière, d’enterrer le débat sur la loi sur l’égalité salariale entre femmes et hommes. Une décision scandaleuse! À l’heure où de nombreux États adoptent enfin des mesures contraignantes pour atteindre l’égalité, la Suisse se permet des atermoiements inacceptables.

La discrimination salariale entre femmes et hommes n’est certes pas la violation des droits des femmes la plus grave, mais elle touche une grande partie des femmes salariées et elle a une forte charge symbolique. Car la valorisation égalitaire de notre travail est essentielle si nous voulons être reconnues par la société comme des travailleuses à part entière, et donc par extension comme des êtres humains munis des mêmes droits que les hommes.

La liste des discriminations à l’égard des femmes sur cette planète est interminable. Parce que nous sommes des femmes, on nous refuse dans certains pays le droit à l’éducation, l’accès au marché du travail ou la possibilité de divorcer. Parce que nous sommes des femmes, nous sommes victimes de mutilations génitales, de viols comme arme de guerre, de féminicides. Parce que nous sommes des femmes, nous risquons dans certains États la prison pour un avortement clandestin ou même une condamnation à des années de détention pour une fausse couche.

Les discriminations basées sur le genre existent partout sur cette planète, aussi bien dans une ville suisse que dans un village africain ou une mégapole asiatique. C’est une constante dramatique. Parfois, les discriminations sont ancrées dans la loi, comme en Iran, parfois l’égalité des genres est garantie par la Constitution, comme en Suisse, mais la pratique ne suit pas.

Ne pas reconnaître que c’est là un problème grave, ne pas voir que l’inégalité salariale entraîne d’autres discriminations, ne pas soutenir toutes les mesures pour garantir que nous arrivions enfin un jour à l’égalité, c’est faire preuve d’un mépris incroyable pour celles qui constituent la moitié de la population de notre planète.

Si certains pensent que nous allons attendre bravement 217 ans les bras croisés, ils se trompent.