Il y a quatre ans, juste avant le début des Jeux olympiques de Sotchi, j’avais participé à une mission à Moscou avec d’autres directeurs et directrices des sections européennes d’Amnesty International. Le froid qui nous transperçait (-25 degrés !) coïncidait alors avec l’accueil glacial que nous avions reçu de la part des autorités russes. A part quelques fonctionnaires subalternes, personne n’avait jugé bon d’accorder une quelconque attention à nos revendications, pourtant signées par plus de 330 000 habitants de notre continent. Les médias russes avaient boudé notre manifestation, à laquelle avaient participé de nombreux correspondants étrangers.
A l’époque déjà, nous dénoncions les restrictions massives à la liberté d’expression et de réunion en Russie, et demandions à Vladimir Poutine de garantir aux défenseurs des droits humains la possibilité de mener en toute sécurité leurs activités légitimes et nécessaires. Autant le dire tout de suite: depuis 2014, la situation n’a fait que se dégrader. Les ONG et leurs militants qui défendent l’environnement ou les droits humains subissent aujourd’hui une pression encore plus grande qu’avant les JO: arrestations arbitraires, fermetures d’organisations, interdiction de manifestations, le tout avec la bénédiction de la Douma, le Parlement, qui valide des lois liberticides.
Des scellés ont même été posés sur la porte de notre bureau à Moscou durant deux semaines, sous le fallacieux prétexte que le loyer n’avait pas été payé. Il a fallu une vague de condamnations dans le monde entier pour que Poutine en personne donne l’ordre de rouvrir le bureau. Le président russe officie visiblement à ses heures perdues au service des litiges pour loyers impayés.
A l’heure où tous les regards se tournent vers la Russie pour la Coupe du monde de football, rappelons cette réalité insuffisamment connue: toute personne qui critique le gouvernement russe risque la prison. C’est le cas d’Oyub Titiev, chef du bureau en Tchétchénie de l’ONG Memorial, détenu depuis janvier sur la base de preuves fabriquées, uniquement pour le faire taire. C’est le cas de dizaines d’autres personnes qui ont voulu protester contre la corruption, contre la destruction de leur quartier ou pour les droits des homosexuels. D’autres ont été violemment passées à tabac.
La FIFA a promis d’user de son influence pour protéger les défenseurs des droits humains et les journalistes durant la Coupe du monde. Cette promesse ne doit pas rester lettre morte. Il ne suffit pas d’attribuer l’organisation d’un événement sportif à un pays pour ensuite se désintéresser des conditions dans lesquelles il se déroule. Le CIO avait fermé les yeux sur les violations qui se sont produites en marge des JO de Sotchi. Il ne reste plus qu’à mettre la pression sur la FIFA pour qu’elle n’en fasse pas de même.