Dans l’intervalle, les postures populistes se sont renforcées et étendues, légitimées par l’élection de Donald Trump à la présidence américaine. Que ce soit en faveur du premier ministre Matteo Salvini (Ligue du Nord), du FP autrichien qui gouverne en coalition avec le parti conservateur chrétien-démocrate, des démagogues autoritaires d’Europe centrale, de l’AfD allemande ou du Rassemblement National de Marine le Pen, un Européen sur quatre vote désormais populiste. Soit 25 % de la population de toute l'Union, contre 7 % il y a 20 ans, révélait cet automne une étude du Guardian.
Des frontières verrouillées
Les politiques s’en ressentent. L’Europe a verrouillé ses frontières extérieures, réduisant le nombre de requérants d’asile à la part congrue. Ils n’étaient plus que 581'000 à demander l’asile dans l’Union en 2018, contre 1'257 000 en 2015. La Suisse a suivi la tendance: 15’255 demandes d’asile ont été déposées en Suisse en 2018 (soit 15,7 % de moins qu’en 2017). C’est le chiffre le plus bas enregistré depuis 2007.
Ce n’était pas assez de fermer nos frontières aux réfugiés, de les laisser mourir en mer ou se faire interner, maltraiter et expulser en Hongrie, en Croatie ou en Bulgarie. Ce n’était pas assez de les laisser végéter dans des camps d’infortune sur les îles grecques, suite à l’accord conclu avec la Turquie pour qu’elle retienne les candidats à l’asile venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan chez elle. Ce n’était pas assez d’alimenter le commerce des passeurs et l’esclavage en Libye, tout en faisant mine de ne pas le tolérer. Il faut maintenant s’en prendre à ceux qui viennent en aide aux exilés. Et tant pis si l’on termine à peine de réhabiliter les hommes et les femmes qui ont agi pour protéger les Juifs traqués par le régime nazi.
En France, ils s’appellent Martine Landry, Cédric Herrou, Pierre-Alain Mannoni. En Suisse, Annie Lanz, Norbert Valley ou Lisa Bosia Mirra. Tous ont été poursuivis par la justice après être venus en aide à des réfugiés ou à des migrants. Et presque tous ont été condamnés à des peines pécuniaires, voire à des peines de prison avec sursis.
Une Europe en proie aux populismes
«Délit de solidarité», voilà l’absurde expression néologique dont on use désormais pour désigner ce dont on les accuse. Venir en aide à des déboutés de l’asile ou des migrants en situation irrégulière en les hébergeant, en les appuyant dans leurs démarches administratives ou en documentant les violations subies. Un néologisme qui n’est autre qu’un puissant syndrome de cette Europe en proie aux populismes.
Le 11 avril, le pasteur Norbert Valley, poursuivi pour avoir apporté son aide à un requérant d’asile togolais dont la demande d’asile a été refusée, comparaîtra en justice à Neuchâtel. L’homme fait peu de cas de sa condamnation pécuniaire, mais veut porter la cause de la solidarité envers les exilés, quitte à se rendre pour cela jusqu’à la Cour de Strasbourg.
Amnesty International le soutient dans son combat, comme les autres personnes qui viennent en aide aux exilés. En Suisse, l’organisation demande que l’article 116 de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) soit modifié de façon à ce que celles et ceux qui portent assistance à des migrants sans statut légal ne soient plus poursuivis par la justice.