Un reportage de la chaîne Deutsche Welle indique que des armes occidentales, y compris des grenades à main de fabrication suisse, ont atterri aux mains de milices impliquées dans le conflit au Yémen via les Émirats arabes unis.  © Deutsche Welle
Un reportage de la chaîne Deutsche Welle indique que des armes occidentales, y compris des grenades à main de fabrication suisse, ont atterri aux mains de milices impliquées dans le conflit au Yémen via les Émirats arabes unis. © Deutsche Welle

Opinion Des armes suisses utilisées dans la guerre au Yémen

Opinion signée Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 12 février 2019.
Ce n’était qu’une question de semaines, voire de jours, jusqu’à ce qu’on retrouve des armes suisses au Yémen. Vendredi, la chaîne allemande Deutsche Welle révélait que des grenades de fabrication suisse étaient utilisées dans le conflit yéménite.

Manon Schick. © AI

La semaine passée, Amnesty International publiait les résultats d’une nouvelle enquête, qui démontre que les Émirats arabes unis transmettent constamment des armes achetées auprès des pays occidentaux à des milices qui combattent au Yémen.

La Suisse fait partie des pays qui exportent des armes vers les Émirats. Ce n’est donc guère surprenant que des armes suisses se retrouvent utilisées contre la population civile au Yémen. Guère surprenant, mais grave. Les autorités suisses sont censées vérifier que les armes exportées atterrissent bien entre les mains des utilisateurs désignés, c’est-à-dire les Émirats arabes unis, et que ces armes ne sont pas réexportées.

Mais la Suisse n’arrive pas toujours à éviter les détournements. Ainsi, ces grenades retrouvées au Yémen proviennent du même lot exporté en 2003-2004 vers les Émirats et que l’on avait déjà retrouvé en Syrie et en Libye, ce qui montre à quel point les contrats d’exportation conclus avec ce pays sont peu fiables.

La Suisse n’est évidemment pas le seul État à «profiter» de la guerre au Yémen pour vendre des armes aux belligérants ou aux États qui leur fournissent des armes. Selon des données publiques, depuis le début du conflit il y a quatre ans, les États occidentaux – parmi lesquels on retrouve notamment l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis – ont vendu des armes aux Émirats arabes unis pour un montant d’au moins 3,5 milliards de dollars.

Une partie de ce matériel de guerre se retrouve aujourd’hui aux mains de milices au Yémen, coupables de graves violations des droits humains et de crimes de guerre. Des milices incontrôlées qui prolifèrent et qui représentent un véritable fléau pour les civils yéménites, dont plusieurs milliers ont déjà été tués tandis que des millions d’autres sont au bord de la famine en conséquence directe de la guerre.

Le seul moyen de s’assurer que les armes suisses ne soient pas détournées seraient de stopper immédiatement les exportations vers les Émirats arabes unis. C’est ce qu’ont fait des pays comme le Danemark, la Finlande, la Norvège et les Pays-Bas.

C’est ce que la Suisse sera peut-être un jour obligée de faire, si l’initiative contre l’exportation de matériel de guerre vers des pays en guerre civile aboutit. Bonne nouvelle, cette initiative a déjà passé le cap des 100'000 signatures récoltées à peine deux mois après son lancement. La preuve que la population suisse ne veut pas des exportations d’armes à n’importe quel prix, et surtout pas au prix de la vie des civils.