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Institution nationale des droits humains A quoi sert une institution nationale des droits humains?

Opinion signée Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 17 décembre 2019.
Certains me reprochent d’être trop critique avec notre Conseil fédéral. Alors permettez-moi aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, de le féliciter pour une décision passée quasiment inaperçue. Vendredi dernier, notre gouvernement a décidé de créer une institution nationale des droits humains, et a transmis une proposition de modification de loi en ce sens au Parlement fédéral.

Manon Schick. © AI

La décision n’est pas passée inaperçue aux yeux des organisations non gouvernementales qui réclament cette institution depuis… dix-huit ans. La première motion qui proposait sa création remonte à l’an 2001. Alors certes, nos autorités ont pris leur temps. Mais espérons que cette lenteur tout helvétique permette de créer une institution réellement pérenne, qui satisfasse aussi bien la société civile que l’administration fédérale et surtout les cantons.

Car ce sont en fait les cantons qui sont le plus souvent responsables de la mise en œuvre des droits humains dans notre pays, notamment les questions de détention ou d’interventions de police, ou encore de prise en charge des personnes âgées, et qui bénéficieraient donc largement d’une telle institution nationale des droits humains en Suisse. Très souvent, les autorités cantonales se trouvent démunies quand la Confédération leur demande comment elles appliquent et respectent telle ou telle convention internationale.

Le respect des droits fondamentaux doit être garanti partout et tout au long de la vie, que l’on naisse dans le canton de Vaud, qu’on grandisse à Fribourg ou qu’on soit placé dans un EMS à Genève. Si l’on est une femme qui subit les coups de son conjoint, on ne devrait pas être traitée différemment à Sion ou à Lausanne, et le mari violent devrait pouvoir être éloigné du domicile par la police dans les deux villes.

Les cantons ont tout à gagner d’une institution indépendante qui les conseille et les accompagne. Le centre suisse de compétences pour les droits humains, projet-pilote d’institution nationale, a démontré son efficacité. Les autorités cantonales ont pu faire appel à ce centre pour obtenir des avis de droit sur des questions aussi différentes que le changement de prénom sur les diplômes des personnes intersexes ou transgenres, ou l’utilisation des mesures de contrainte pour des personnes âgées et démentes.

Il est donc grand temps que la Suisse se dote d’une institution permanente. Et comme la trêve de Noël n’est pas encore tout à fait là, je glisse quand même une critique sur le projet proposé par le Conseil fédéral: un million de francs, c’est insuffisant pour que cette institution puisse faire son travail. 110 États dans le monde disposent déjà de telles institutions, dotées pour la plupart de budgets bien plus importants. Ne soyons pas radins avec les droits humains!