Selon un nouveau sondage commandé par la «Campagne pour arrêter les robots tueurs», l'opinion publique leur est largement défavorable. © Ali Beser via Amnesty.org
Selon un nouveau sondage commandé par la «Campagne pour arrêter les robots tueurs», l'opinion publique leur est largement défavorable. © Ali Beser via Amnesty.org

Armes Stoppons les robots tueurs, avant qu’il ne soit trop tard

Opinion signée Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 29 janvier 2019.
Imaginez un monde où des robots décident seuls de qui doit vivre ou mourir et sont programmés pour sélectionner les êtres humains à abattre. Ce sont les robots tueurs. De la science-fiction ? Non.

Manon Schick. © AI

En ce moment, dans des pays aussi divers que les États-Unis, la Chine, Israël, la Corée du Sud, la Russie, ou encore le Royaume-Uni, des ingénieurs développent des armes automatisées capables de choisir elles-mêmes la cible à abattre et des drones capables d’envoyer des fléchettes à décharge électrique, du gaz lacrymogène et du gaz poivre.

Si rien n’est fait pour arrêter cette course aux armes robotisées, la science-fiction deviendra réalité. Remplacer les soldats par des machines facilitera encore l’entrée en guerre et aura des conséquences dévastatrices sur les populations civiles. La technologie avance beaucoup plus vite que le droit international. Ces armes posent des problèmes insolubles, par exemple pour déterminer qui devra être traduit en justice en cas de bavure: l’ingénieur, le fabricant, l’exportateur, l’État qui a acheté et utilisé ces armes?

Il est essentiel de conserver un contrôle humain sur les décisions liées à la guerre. C’est pourquoi les États doivent rapidement se mettre d’accord sur un traité international pour interdire les armes complètement autonomes. Une campagne pour demander cette interdiction, regroupant plusieurs dizaines d’organisations internationales, a été lancée il y a cinq ans et a déjà réussi à obtenir que 28 États dans le monde se prononcent en faveur d’une interdiction pour les entreprises travaillant dans le domaine de l’intelligence artificielle de développer des robots tueurs.

Plusieurs gouvernements ont proposé aux Nations unies la négociation urgente d'un «instrument juridiquement contraignant qui garantisse un contrôle humain significatif sur les fonctions critiques des systèmes d'armement autonomes». La Suisse, si elle semble vouloir poursuivre les discussions en vue d’une interdiction, n’a pas à ce jour adopté de position claire sur cette question.

Lors de la réunion annuelle de la Convention sur les armes classiques, en novembre dernier à Genève, une minorité d'États – et parmi eux les principaux fabricants de ces armes – se sont employés à contrecarrer tout progrès diplomatique. Ceci alors qu’un sondage réalisé en décembre montre qu’une majorité de la population, y compris dans les pays qui les fabriquent, s’oppose au développement d’armes autonomes capables de sélectionner et tuer des cibles sans intervention humaine.

Près de deux tiers des personnes interrogées dans 26 pays ont répondu qu’elles ne souhaitaient pas que la ligne rouge soit franchie et que les machines soient autorisées à tuer. Les États qui défendent l’usage de cette technologie terrifiante feraient bien de les écouter.