Ligne 4 sous COVID-19 : train en Chine en mars 2020. © N509FZ / Wikimedia
Ligne 4 sous COVID-19 : train en Chine en mars 2020. © N509FZ / Wikimedia

Coronavirus Message à ceux qui regrettent de ne pas vivre en Chine

Opinion signée Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 24 mars 2020.
Depuis la progression de la pandémie dans les pays européens, certains se plaignent sur les réseaux sociaux que nos gouvernements n’adoptent pas «les méthodes chinoises» pour prévenir la propagation du coronavirus. Il faut comprendre par là qu’une «bonne petite dictature» permettrait de confiner sans opposition des millions de gens chez eux.

Manon Schick. © AI Rappelons d’abord que le gouvernement chinois a en fait très mal géré le début de la crise, comme je l’ai écrit ici dans ma chronique du 11 février: les médecins qui ont tiré la sonnette d’alarme en décembre ont été réduits au silence, et le régime chinois a fait un lobbying agressif auprès de l’Organisation mondiale de la santé pour tenter de minimiser la gravité de l’épidémie, ce qui a retardé la mise en place des mesures pour lutter contre sa propagation.

Rappelons ensuite que la dictature en Chine, ce n’est pas seulement une décision de confiner chez elles des millions de personnes. C’est un système de contrôle et de répression à extrêmement large échelle, qui permet au régime de censurer toute critique et de se maintenir au pouvoir. C’est la torture systématique en détention, ce sont les disparitions forcées d’opposants ou d’avocats qui défendent les droits humains, c’est l’internement dans des camps de rééducation de plus d’un million d’Ouïghours – sans aucun jugement et durant des années, c’est la surveillance de tout déplacement grâce aux systèmes de reconnaissance faciale.

C’est aussi la censure massive sur internet et tous les réseaux sociaux, par des légions de cybercenseurs. La gestion de l’épidémie de coronavirus par le gouvernement chinois a suscité de vives critiques, et en conséquence une kyrielle de nouveaux termes sont devenus «sensibles»: en janvier déjà, des utilisateurs du réseau Weibo se sont plaints que les messages contenant les mots «Wuhan» et «Hubei» étaient supprimés. Sur WeChat, autre réseau social très prisé, des combinaisons comme «Xi Jinping et Wuhan» sont systématiquement censurées.

Non, il est fort heureux que nous ne vivions pas en dictature et que les autorités suisses, même en situation exceptionnelle, doivent respecter les droits de la population. Cela nous permet par exemple d’appeler le Secrétariat d’État aux migrations à suspendre les procédures d’asile en Suisse, car il n’est plus possible de garantir une procédure équitable. Cela nous permet de demander que les requérants d’asile qui vivent dans des logements collectifs reçoivent du savon et des informations sur la transmission du virus, et aient accès à des soins. Non, ce n’est pas trop demander dans un pays comme le nôtre.

C’est seulement unis et solidaires que nous parviendrons à sortir de cette crise, et pas en réprimant et en violant les droits des personnes les plus vulnérables.