Nasrin Sotoudeh, éminente avocate iranienne et défenseure des droits humains, condamnée à 38 ans de prison et 148 coups de fouets.  © Private
Nasrin Sotoudeh, éminente avocate iranienne et défenseure des droits humains, condamnée à 38 ans de prison et 148 coups de fouets. © Private

Opinion Liberté pour Nasrin et tous les autres prisonniers d’opinion

Opinion signée Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 5 mai 2020.
À la prison d’Evin à Téhéran où Nasrin est détenue, les visites des proches ont lieu derrière une vitre ou par téléphone et sont placées sous écoute. Les prisonnières peuvent s’acheter des produits de désinfection au magasin de la prison, à leurs propres frais. Seules les détenues condamnées à des peines de cinq ans au maximum ont droit à des sorties. Confronté à la surpopulation carcérale, le gouvernement iranien a provisoirement libéré 85'000 détenus et en a gracié 10'000. Mais Nasrin, elle, avait été condamnée à 38 ans de prison, et 148 coups de fouet. Elle ne peut donc pas quitter la prison.

Manon Schick. © AI

Nasrin Sotoudeh n’est pourtant pas une criminelle. C’est une avocate qui défend les droits humains. Elle avait déjà été condamnée à plusieurs années de prison, parce qu’elle s’engageait contre la peine de mort appliquée aux mineurs. Aujourd’hui, elle est en prison pour avoir défendu les femmes qui refusaient de porter le foulard. Parmi les chefs d’accusation retenus contre elle, «l’incitation à la corruption et à la prostitution», ou le fait d’avoir «commis ouvertement un acte immoral en apparaissant en public sans porter le hijab». Cette femme incroyablement engagée mériterait le prix Nobel de la paix, pas le fouet ni la détention.

Comme Nasrin, des milliers d’autres défenseurs et défenseuses des droits humains sont détenus à travers le monde, simplement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, pour avoir critiqué leur gouvernement, pour avoir dénoncé des abus commis par les autorités. Ce sont des prisonniers d’opinion, qui n’ont rien à faire en prison. Pas en temps normal, et encore moins en temps de pandémie.

Les prisons risquent en effet de devenir rapidement des foyers massifs d’infection au Covid-19. Partout dans le monde, la surpopulation carcérale et le manque d’installations sanitaires dans les lieux de détention représentent autant de bombes à retardement. Impossible de respecter la distanciation sociale et de se laver régulièrement les mains. Impossible d’obtenir des masques et du gel hydroalcoolique.

Amnesty International demande la libération de tous les prisonniers d’opinion. Au travers de 150 exemples de personnes injustement détenues, depuis l’Egypte jusqu’au Venezuela, notre organisation mène activement campagne pour dénoncer le maintien en prison de ces militants qui n’ont fait qu’exprimer pacifiquement leur opinion. Ils sont probablement des milliers sur notre planète. Ils devraient être libérés de toute urgence.

En mars, au moment du pic de la contamination en Iran, Nasrin Sotoudeh a commencé une grève de la faim pour dénoncer depuis sa cellule l’inaction des autorités iraniennes face au coronavirus. Nous avons le devoir de la soutenir et nous nous battrons jusqu’à ce qu’elle soit enfin libre.