Action lors de la remise de la pétition «la solidarité n’est pas un crime» en octobre 2019 à Berne. © AICH
Action lors de la remise de la pétition «la solidarité n’est pas un crime» en octobre 2019 à Berne. © AICH

Opinion Le Parlement considère la solidarité comme un délit

Opinion signée Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse, parue dans 24 Heures, le 10 mars 2020.
Ce jeudi, le pasteur Norbert Valley saura si le tribunal de police de Neuchâtel maintient l’amende de 1000 francs à laquelle il a été condamné pour avoir secouru un Togolais débouté de l’asile, en lui offrant de dormir dans son église. Le Parlement fédéral, lui, a tranché sur la question de la solidarité envers les personnes qui n’ont pas de statut légal: la semaine passée, une majorité du Conseil national a voté contre la décriminalisation de l’aide au séjour ou à l’entrée en Suisse.

Manon Schick. © AI Nos parlementaires se sont montrés sourds aux appels des organisations et des églises, qui leur demandaient de modifier cette loi injuste. Amnesty International a publié lundi dernier un rapport couvrant huit pays européens, dont la Suisse, qui montre comment les personnes solidaires envers des réfugiés et des migrants sur notre continent sont de plus en plus harcelées et poursuivies en justice. Les autorités cherchent à limiter et à dissuader les arrivées en Europe et considèrent comme une menace le simple fait d’offrir un abri ou de la nourriture à des migrants.

Par exemple, le Français Pierre Mumber, guide de montagne, a été jugé pour «aide à l’entrée irrégulière» d'étrangers en France, après avoir offert du thé et des vêtements chauds à quatre personnes originaires d'Afrique de l'Ouest. Il a finalement été acquitté en appel. En vertu du régime très strict de contrôle des frontières dans les Alpes françaises, les réfugiés interpelés à moins de 20 kilomètres de la frontière italienne sont considérés comme «entrés illégalement en France», et toute personne qui les aide risque d'être poursuivie et condamnée.

En Suisse, la loi ne permet pas d’exemption humanitaire et la compassion n’est donc pas reconnue comme un motif honorable. Le nombre de condamnations est très élevé. Près de mille personnes ont ainsi écopé d’une amende en 2018, sur la base de l’article de la loi sur les étrangers qui condamne l’incitation à l’entrée ou au séjour illégal. Mais sur ces mille personnes, seules 32 ont été explicitement condamnées pour en avoir tiré un enrichissement illégitime, donc seules 32 étaient des passeurs sans scrupules. Les centaines d’autres personnes condamnées ont été poursuivies simplement pour avoir aidé quelqu’un dans la détresse ou sans statut légal – parfois même un membre de leur famille – sans jamais en avoir tiré le moindre bénéfice financier.

La situation dramatique dans les îles grecques et à la frontière avec la Turquie nous rappelle à quel point la politique européenne de fermeture des frontières conduit à des violations des droits des réfugiés. Dans ce contexte, la solidarité envers les réfugiés devrait être plus que jamais récompensée, et non pas punie.