Daouda Diallo © Droits réservés
Daouda Diallo © Droits réservés

URGENT ACTION Action lettre: Burkina Faso / Action terminée Un défenseur des droits humains a été libéré

x UA 111/23-1 I Info finale du 8 mars 2024 I (Durée de l'action: 8.12.2023-2.2.2024) I AI-Index: AFR 60/7830/2024
Le 1er décembre 2023, Daouda Diallo, défenseur des droits humains et secrétaire général du Collectif Contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), a été enlevé par des membres des forces de sécurité en civil à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, et conduit dans un lieu inconnu. Il a été libéré le 7 mars 2024.

Début novembre, le défenseur des droits humains Daouda Diallo, ainsi que plusieurs personnalités de la société civile et des médias, a été enrôlé, semble-t-il pour participer à des opérations de sécurité. Bien qu’il n’ait jamais reçu de notification de sa conscription, Daouda Diallo a contesté le fondement légal de celle-ci par le biais d’un communiqué de presse tout en exprimant son droit à la dissidence. Le 1er décembre 2023, Daouda Diallo a été appréhendé par des agents des forces de sécurité alors qu’il se trouvait au bureau des passeports. Il a été emmené dans un lieu tenu secret et soumis à une disparition forcée. Le 4 décembre, une photo sur laquelle il portait un treillis militaire a été relayée sur les réseaux sociaux. D’autres photos et vidéos de lui en compagnie d’autres conscrits, prenant part à des exercices militaires, ont également été diffusées en février 2024. Au cours des trois mois de sa conscription, le gouvernement n’a jamais communiqué sur le lieu où il se trouvait, ni sur les recours juridiques visant à contester sa conscription.

Le 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Ouagadougou a jugé que les ordres de conscription n’étaient pas légaux et a ordonné leur suspension. Il a également ordonné à l’armée de s’abstenir immédiatement d’exécuter ces ordres. Malgré cette décision, les autorités burkinabès continuent de recourir à la conscription ciblée pour réprimer les détracteurs et harceler les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile.

Le 7 mars, Daouda Diallo a été libéré et est rentré chez lui à Ouagadougou. Une fois libéré, il a déclaré: «Je voudrais remercier Amnesty International et tous ceux qui se sont mobilisés en faveur de ma libération. Ces appels furent une lueur dans la solitude de mon calvaire, me rappelant que je n’étais pas seul. Restons unis dans notre engagement à défendre les principes de justice, d’égalité et de dignité pour tous. Aujourd’hui, je suis ravi d’être chez moi avec ma famille, mes camarades et mes collègues, après avoir passé ces trois mois difficiles, et j’ai hâte de profiter des moments de joie dont nous avons été privés.»

Malgré cette libération, plusieurs personnalités de la société civile, dont Rasmane Zinaba, Bassirou Badjo et Me Guy-Hervé Kam, tous membres du mouvement Balai Citoyen, ont été victimes de disparitions forcées et semble-t-il enrôlés pour la conscription en 2024. Amnesty International continue de suivre la situation de Daouda Diallo et des autres militants concernant la conscription, et réagira comme il convient en cas d’évolution.

Aucune action complémentaire n’est requise. Un grand merci à toutes les personnes qui ont envoyé des appels.

 

Les informations de l'Action urgente originale du 8 décembre 2023:

Le 1er décembre, Daouda Diallo, secrétaire général du Collectif Contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), a été enlevé par des membres des forces de sécurité en civil, alors qu’il renouvelait son passeport au bureau des passeports à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Il a été emmené dans un lieu tenu secret. Trois jours plus tard, une photo sur laquelle il portait un uniforme militaire et était armé a circulé sur les réseaux sociaux. Début novembre, Daouda Diallo, ainsi que plusieurs personnalités de la société civile et des médias, dont des militant·e·s, des journalistes et des syndicalistes, a été enrôlé par le gouvernement. Les autorités nationales s’appuient sur un décret d’avril 2023 sur la mobilisation générale pour combattre les groupes armés pour sanctionner et réduire au silence les membres de la société civile et les défenseur·e·s des droits humains qui critiquent publiquement le gouvernement. Elles doivent cesser de procéder à des disparitions forcées, libérer immédiatement Daouda Diallo s’il est encore en détention, mettre fin à la conscription ciblée pour réprimer les détracteurs et permettre à tous de contester les ordres de conscription devant les autorités judiciaires indépendantes.

Daouda Diallo est le secrétaire général du Collectif Contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC). Le CISC a été fondé au lendemain des homicides de Yirgou perpétrés en janvier 2019 : au moins 43 personnes ont été tuées lors des attaques menées par un groupe armé d’«autodéfense» appelé koglweogo, qui agit souvent aux côtés de l’armée du pays. Ces homicides ont déclenché une crise humanitaire au Burkina Faso, poussant des milliers de survivants à se réfugier à Barsalogho et à Kaya en quête de protection. Le CISC est d’abord né comme un groupe informel pour répondre aux besoins des victimes et se mobiliser en faveur de la justice, avant de devenir plus établi.

En 2022, Daouda Diallo s’est vu décerner le prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’Homme.

En avril 2023, le gouvernement a promulgué un décret «portant sur la mobilisation générale et la mise en garde» qui confère aux autorités «le droit de requérir les personnes, les biens et les services; le droit de soumettre à contrôle et à répartition les ressources au ravitaillement et, à cet effet, d’imposer aux personnes physiques ou aux personnes morales en leurs biens, les sujétions indispensables; le droit d’appel à l’emploi de défense, à titre individuel ou collectif». Tous les Burkinabès âgés de 18 ans et plus peuvent désormais être enrôlés s’ils sont jugés physiquement aptes et si les autorités compétentes en formulent le besoin.

Le décret portant sur la mobilisation générale et la mise en garde est utilisé pour réprimer et réduire au silence les défenseur·e·s des droits humains et les journalistes et autres militant·e·s de la société civile, malgré les dispositions prises en matière de contestation prévue lorsque les biens et services sont réquisitionnés ou quand les personnes sont mobilisées pour le service militaire (article 13).

Cette méthode répressive à l’encontre des détracteurs a déjà soulevé de vives préoccupations avant l’adoption du décret, concernant l’enrôlement forcé au sein des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), un groupe armé d’autodéfense au Burkina Faso mis sur pied par le gouvernement pour combattre les groupes armés.

Un mois seulement avant sa promulgation, Boukaré Ouedraogo, président d’Appel de Kaya, une organisation de la société civile, a été enrôlé de force par l’armée en tant que Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), malgré ses problèmes de vue. Une semaine avant, il avait critiqué le gouvernement au sujet de l’absence d’eau potable à Kaya, une ville du Burkina Faso, et pour sa réponse inadéquate à la situation en matière de sécurité. Dans un discours prononcé lors d’une visite à Kaya en mars 2023, le président Ibrahim Traoré a évoqué la situation de Boukaré Ouedraogo, l’a accusé d’avoir divulgué «un point névralgique» dont l’attaque avait fait des victimes au sein de l’armée, et a par la même occasion menacé tous les membres des organisations de la société civile d’enrôlement forcé dans les VDP en cas de communication publique considérée comme critique par les autorités.

En septembre 2023, Arouna Louré, anesthésiste et ancien membre du Conseil national de transition (organe législatif intérimaire établi conformément à la Charte de la transition), a lui aussi été enrôlé pour un mois et écarté de l’hôpital où il travaillait pour être déployé. Quelques jours plus tard, des photos d’Arouna Louré avec le crâne rasé et en uniforme militaire ont été publiées sur les réseaux sociaux ; déployer des civil·e·s sans leur consentement et prendre des photos d’eux pour les diffuser sur les réseaux sociaux est la même méthode que celle utilisée dans l’affaire Boukaré Ouedraogo, filmé dans une vidéo glorifiant le régime militaire.