Le crime pour lequel Kenneth Smith a été exécuté, 36 ans plus tard, est le meurtre d’une femme de 45 ans à son domicile en Alabama le 18 mars 1988. L’accusation a présenté des éléments montrant que le mari de la victime avait recruté Billy Williams, qui avait ensuite engagé Kenneth Smith et John Parker, pour la tuer. Le mari s’est suicidé une semaine après le meurtre; Billy Williams a été reconnu coupable d’homicide volontaire et condamné à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle; John Parker a été condamné à la peine de mort et exécuté en 2010. La condamnation à mort de Kenneth Smith en 1989 avait été annulée en appel. Lors du nouveau procès de 1996, il a là encore été déclaré coupable. Le jury a voté à 11 contre un en faveur d’une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais le juge a annulé sa décision et prononcé la peine de mort.
Il s’agissait de la deuxième tentative d’exécution de Kenneth Smith par l’État de l'Alabama, la première tentative par injection létale ayant échoué en novembre 2022 en raison de l’incapacité de l’équipe chargée de l’exécution à trouver une veine après plusieurs essais. Cette fois-ci, l’équipe a utilisé une nouvelle méthode, l’asphyxie à l’azote. Le 20 décembre 2023, une audience s’est tenue devant la cour fédérale de district sur la demande d’injonction de la défense contre l’exécution. Le 10 janvier 2024, le juge a rejeté cette requête: «Les tribunaux présument, sur la base de l’histoire et de l’évolution de la peine capitale dans ce pays et du processus législatif, que [les autorités de l’État] ne cherchent pas à ajouter de la terreur, de la douleur ou du déshonneur à leurs exécutions, à moins et jusqu’à ce qu’un condamné puisse faire la démonstration requise [...] Compte tenu de toutes les preuves présentées et des arguments des parties, Kenneth Smith ne s’est pas acquitté de cette tâche.»
Le 24 janvier 2024, la cour d’appel fédérale du 11e circuit a confirmé la décision du tribunal de district par deux voix contre une. L’un des deux juges de la majorité a déclaré «devoir souscrire» à cet avis parce qu’il ne pouvait pas affirmer que les conclusions factuelles du tribunal de district étaient «clairement erronées», ce qui est le critère à remplir pour un réexamen, mais il a exprimé la crainte que les circonstances de l’affaire conduisent à «une exécution cruelle et inhabituelle». Le juge minoritaire a écrit que l’Alabama «a choisi ce condamné, ce protocole et ce moment, même si M. Smith souffre mentalement et physiquement du stress post-traumatique que l’Alabama a provoqué lorsqu’il a fait échouer sa première exécution en 2022 [...] Le prix à payer, je le crains, sera la dignité humaine de M. Smith, et la nôtre.»
Le 25 janvier, la Cour suprême des États-Unis a refusé d’intervenir. Trois juges ont exprimé leur divergence. La juge Sonia Sotomayor a écrit : «N’ayant pas réussi à tuer M. Smith lors de sa première tentative, l’Alabama l’a choisi comme "cobaye" pour tester une méthode d’exécution jamais tentée auparavant. Le monde nous regarde. Cette Cour permet une fois de plus à l’Alabama d’expérimenter avec une vie humaine, tout en privant Kenneth Smith de l’obtention d’éléments de preuve significatifs sur des revendications potentiellement fondées en vertu de la Constitution.» Elle a noté que depuis la tentative d’exécution ratée du 17 novembre 2022, au cours de laquelle il a passé quatre heures attaché au brancard, «Kenneth Smith souffre de stress post-traumatique. Revivant ces heures passées attaché au brancard, son dossier médical confirme l’aggravation de ses nausées et vomissements ces dernières semaines.»
Selon Associated Press, «l’exécution a duré environ 22 minutes entre l’ouverture et la fermeture des rideaux de la salle d’observation. Kenneth Smith a semblé rester conscient pendant plusieurs minutes. Pendant au moins deux minutes, il a semblé trembler et se tordre sur le brancard, tirant parfois sur les moyens de contention. Cela a été suivi de plusieurs minutes de respiration bruyante, jusqu’à ce que celle-ci ne soit plus perceptible». Lors d’une conférence de presse organisée après l’exécution, le responsable des services correctionnels de l’Alabama a affirmé que «rien n’est sorti de l’ordinaire par rapport à ce qui était attendu». Dans un communiqué, la gouverneure Kay Ivey a déclaré: «Après plus de 30 ans et de nombreuses tentatives pour déjouer le système, M. Smith a répondu de ses horribles crimes. Je prie pour que la famille [de la victime] puisse tourner la page après toutes ces années aux prises avec cette grande perte.»
Depuis que la Cour suprême fédérale a approuvé les nouvelles lois relatives à la peine capitale en 1976, 1'583 personnes ont été exécutées aux États-Unis. Amnesty International s’oppose à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances, quelles que soient la nature du crime commis, la personnalité de son auteur ou la méthode d’exécution employée. L’organisation considère que la peine capitale viole le droit à la vie tel que reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme et constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit.
Aucune action complémentaire n’est requise. Un grand merci à toutes les personnes qui ont envoyé des appels.
Les informations de l'action urgente originale du 12 décembre 2023 :
Kenneth Smith doit être exécuté en Alabama le 25 janvier 2024. Le jury désigné dans son affaire a voté pour la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, mais le juge a prononcé une condamnation à mort, en vertu d’un système selon lequel le jugement rendu par le magistrat peut aller au-delà des décisions prises par le jury, pourtant rendu illégal en Alabama en 2017. L’État a tenté d’exécuter Kenneth Smith en 2022, mais cette tentative par injection létale a échoué. Les autorités le priveront cette fois d’oxygène en utilisant de l’azote gazeux, une méthode d’exécution jamais utilisée auparavant. Âgé de 22 ans au moment des faits qui lui sont reprochés, Kenneth Smith a aujourd’hui 58 ans. Son parcours carcéral a été marqué par la non-violence, l’amélioration de soi et l’aide aux autres.
Le crime qu’on lui reproche est le meurtre d’une femme de 45 ans chez elle, en Alabama, le 18 mars 1988. L’accusation a présenté des preuves montrant que son mari avait recruté Billy Williams, qui avait ensuite engagé Kenneth Smith et John Parker, pour la tuer. Le mari, un prédicateur endetté qui voulait percevoir une assurance-vie, s’est suicidé une semaine après le meurtre ; Billy Williams a été reconnu coupable d’homicide volontaire et condamné à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle ; John Parker a été condamné à la peine de mort et exécuté en 2010. Kenneth Smith a également été condamné à la peine capitale, mais sa déclaration de culpabilité de 1989 et sa peine de mort ont été annulées en appel en raison de tactiques racistes de sélection du jury par le ministère public lors du procès. Kenneth Smith a de nouveau été condamné à l’issue de son nouveau procès en 1996. Le jury - composé de sept femmes noires, de quatre hommes noirs et d’une femme blanche - a voté à 11 contre un en faveur d’une peine de réclusion à perpétuité, mais le juge a annulé cette décision et prononcé une condamnation à mort.
Le juge a retenu une circonstance aggravante - le fait que le meurtre ait été commis dans un but lucratif - et a décidé que celle-ci l’emportait sur les circonstances atténuantes, à savoir le jeune âge de Kenneth Smith au moment du crime, l’absence d’antécédents criminels significatifs, sa bonne conduite en détention, les privations et la négligence subies pendant son enfance, ainsi que les remords et les aveux volontaires qu’il a faits concernant sa participation au crime. Le juge laissera entendre plus tard dans une interview qu’il avait passé outre au vote du jury parce que Kenneth Smith «méritait la peine de mort» et que «certaines personnes siégeant dans des jurys [...] ne veulent pas avoir la responsabilité de condamner quelqu’un à la peine de mort».
Dans un avis dissident rendu en 2013 dans une affaire concernant l’Alabama, deux juges de la Cour suprême des États-Unis ont noté que 95 condamnations à mort avaient été prononcées en Alabama depuis 1976 à la suite d’une décision du juge infirmant la décision du jury, soit un taux dix fois supérieur à celui des annulations dans l’autre sens. Ils ont noté que depuis la fin des années 1990, l’Alabama était devenu une «anomalie manifeste» en matière de décisions infirmant la condamnation à la perpétuité préconisée par le jury et visant à prononcer la peine de mort, et ont conclu que «la seule réponse étayée par des preuves empiriques» pour expliquer cette situation était que «les juges de l’Alabama, qui sont élus dans le cadre de procédures partisanes, semblent avoir succombé aux pressions électorales». L’Alabama s’est débarrassé de son système d’annulation en 2017. La cour d’appel pour le 11e circuit a noté en 2021 que «si le procès de Kenneth Smith avait eu lieu aujourd’hui, il ne pourrait pas déboucher sur une condamnation à mort car, en 2017, l’Alabama a modifié son système de condamnation à la peine capitale de manière prospective afin d’abroger l’autorité des juges de première instance sur les décisions de condamnation à la peine capitale».
Kenneth Smith n’avait pas eu d’antécédents de violence avant ce crime et n’en a pas eu depuis. Ses avocats ont déclaré que sa conduite en prison était empreinte de respect envers autrui ; il a poursuivi des activités religieuses et éducatives, a obtenu un diplôme professionnalisant, et a été décrit par un instructeur comme étant «très consciencieux». Il a conseillé d’autres condamnés à mort, ainsi que des membres de sa famille et des amis lors de crises personnelles. Plusieurs agents pénitentiaires se sont également confiés à lui.
Le 17 novembre 2022, Kenneth Smith a survécu à la tentative de l’État de l’exécuter par injection létale. Il s’agissait de la troisième exécution consécutive en Alabama en 2022 qui avait été bâclée ou avait échoué. Dans une autre affaire, en juillet 2023, trois juges de la Cour suprême des États-Unis ont rappelé que, lors de ces tentatives d’exécution, «des agents pénitentiaires se sont acharnés pendant des heures sur les veines des prisonniers pour tenter de poser des lignes intraveineuses», et ont qualifié ce traitement d’«assimilable à la torture». Les avocats de Kenneth Smith ont déclaré que pendant les quatre heures où il a été attaché au brancard, il avait ressenti «une douleur physique et psychologique intense et continue» et qu’il présentait par la suite un syndrome de stress post-traumatique. Cauchemars, hypervigilance, hyperexcitation et dissociation figurent parmi les symptômes de celui-ci. Ils affirment que son syndrome de stress post-traumatique est exacerbé par l’isolement accru auquel il est soumis du fait de l’absence de contact avec les autres détenus du couloir de la mort, depuis que la date de son exécution a été fixée, le 8 novembre, ce qui représentera un total de 78 jours à la date de son exécution.
L’État propose de tenter d’exécuter Kenneth Smith de nouveau, cette fois au moyen de la méthode de l’«asphyxie à l’azote» par laquelle de l’azote est introduit par un tube dans un masque facial hermétique porté par la personne exécutée, ce qui la prive d’oxygène et provoque éventuellement la mort. La Cour suprême des États-Unis a noté en 2019 que l’asphyxie à l’azote n’avait «jamais été utilisée pour procéder à une exécution» et que le premier État à le faire serait «le premier à expérimenter une nouvelle méthode non testée et non éprouvée». C’est donc l’Alabama, un État où les exécutions ratées ont été nombreuses et où la transparence et les enquêtes sur ces échecs font défaut, qui va mettre cette méthode en œuvre. Les avocats de Kenneth Smith affirment qu’il est utilisé comme «sujet de test pour cette méthode nouvelle et expérimentale» et que «si elle n’est pas effectuée correctement, l’asphyxie à l’azote pourrait donner lieu à une nouvelle exécution bâclée qui risque de laisser à M. Smith des blessures permanentes».
Depuis 1976, les États-Unis ont procédé à 1'582 exécutions - par électrocution, asphyxie au gaz, pendaison, peloton d’exécution et injection létale. Amnesty International s’oppose inconditionnellement à la peine de mort, quelle que soit la méthode d’exécution utilisée. La cruauté est inévitable lorsque l'on condamne une personne à mort et qu’on la maintient sous le coup de cette sentence.