De gauche à droite : Germain Rukuki, Idris Khattak, Özgür Gür & Melike Balkan, Nassima al-Sada et Jani Silva
De gauche à droite : Germain Rukuki, Idris Khattak, Özgür Gür & Melike Balkan, Nassima al-Sada et Jani Silva

Marathon des lettres 2020 Marathon des lettres 2020 : un véritable succès

16 novembre 2021
Pendant le Marathon des lettres 2020, nous avons fait campagne en faveur de cinq défenseurs·euses des droits humains. Dans le monde entier, 4,5 millions de lettres ont été écrites, des pétitions signées et des messages de solidarité envoyés. Plus de 30'000 personnes qui ont participé à l'action venaient de Suisse.

Grâce à la mobilisation de milliers de personnes, nous avons accompli des actions concrètes : Nassima al-Sada d'Arabie Saoudite et Germain Rukuki du Burundi ont pu sortir de prison et les militant·e·s de la METU-Pride en Turquie ont été acquitté·e·s. Talia, la fille d'Idris Khattak, a été autorisée à rendre visite à son père en détention et Jani Silva sait désormais qu'elle n'est plus seule dans son engagement en faveur de l'environnement.

Jani Silva de Colombie

©Nubia-Acosta © Nubia Acosta

Née au cœur de l’Amazonie colombienne, Jani Silva a consacré sa vie à la défense des arbres et de la terre, qui sont des éléments vitaux à chacun·e d’entre nous. Depuis l’âge de 16 ans, elle soutient les paysan·ne·s du Putumayo, une région du sud du pays riche d’une biodiversité unique.

Jani a cofondé en 2008 l'organisation « Asociación de Desarrollo Integral Sostenible de La Perla Amazónica » (ADISPA), avec laquelle elle protège l’environnement et les droits des personnes qui vivent dans la Perla Amazónica, une réserve paysanne du Putumayo.

Dans le cadre de son travail, elle s’est opposée à la compagnie pétrolière Ecopetrol, qui a obtenu en 2006 une licence pour exploiter des zones empiétant sur la réserve. En 2009, cette licence a été cédée à la compagnie pétrolière Amerisur. Depuis lors, au moins deux déversements d’hydrocarbures ont empoisonné les sources d’eau dont dépend la population locale.

Son engagement a eu de terribles conséquences pour Jani. Elle a été suivie, visée par des actes d’intimidation et menacée de mort. La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation, car le confinement des militant·e·s a limité leur protection.

Mais Jani ne se laisse pas décourager. « Parce que je défends mon territoire, on m’a mis un pistolet sur la tempe pour me tuer », affirme-t-elle. « Pourtant, je reste parce que nous ne pouvons pas fuir ou nous laisser submerger par la peur. » Amnesty International continue de la soutenir.

Idris Khattak du Pakistan

© private

Idris Khattak est un expert sur la question des disparitions forcées au Pakistan. Pendant des années, il a rassemblé des informations sur ce crime de droit international pour Amnesty International et Human Rights Watch. Jusqu'à sa propre disparition le 13 novembre 2019

Au Pakistan, les autorités ont recours aux disparitions forcées pour réduire au silence des défenseur·e·s des droits humains comme Idris et d’autres détracteurs·euses du régime. Idris rentrait chez lui après un séjour dans la capitale, Islamabad, lorsque sa voiture de location a été interceptée. « Je regarde des photos de papa, et je ne rêve que de le voir entrer dans la pièce pour nous rejoindre », raconte Talia, la fille d'Idris. « Nous méritons des réponses et il mérite d'être protégé par les lois. »

Malgré les mises en garde, Talia, âgée de 20 ans, a commencé à se battre avec l’aide d’Amnesty International pour obtenir le retour de son père. Son courage a payé. En juin 2020, les autorités ont reconnu qu’elles détenaient Idris Khattak. Un an après sa disparition, Talia a été autorisée à rendre visite à son père durant 20 minutes. La famille d’Idris craint désormais qu’il ne soit accusé d’espionnage. S’il est déclaré coupable, il encourt une peine de 14 ans de prison, voire la peine de mort. Amnesty International continue de soutenir Idris et sa famille.

Melike Balkan et Özgür Gür de Turquie

© Akin Celiktas

Depuis le début de leurs études, Melike Balkan et Özgür Gür se sont consacré·e·s à la défense des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes (LGBTQIA+) au sein de leur université. En tant que chef·fe·s de file du groupe de solidarité LGBTQIA+ de l’Université technique du Moyen-Orient d’Ankara (METU), ces deux personnes ont organisé de multiples manifestations, réunions et autres événements.

Le groupe de solidarité comptait un grand nombre d'étudiant·e·s, dans un contexte de montée de l’homophobie et de restrictions de la liberté d’expression en Turquie. En 2019, la police a violemment dispersé un sit-in des fiertés organisé par le groupe de solidarité, arrêté au moins 23 étudiant·e·s, dont Melike et Özgür, et un enseignant. Les militant·e·s risquaient jusqu'à trois ans de prison.

En octobre 2021, un tribunal d'Ankara a finalement acquitté Melike Balkan, Özgür Gür et toutes les autres personnes accusées. Nous y avons contribué avec le Marathon des lettres.

Germain Rukuki du Burundi

© private

Germain Rukuki est un défenseur des droits humains burundais dont le travail est devenu source de problèmes. Il travaillait pour l'organisation anti-torture ACAT-Burundi (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) lorsqu'une crise politique a éclaté au Burundi en avril 2015 : le président de l'époque a annoncé son intention de briguer un troisième mandat. Cette décision était en totale contradiction avec la constitution du pays et a été suivi de manifestations dans tout le pays.

Depuis lors, les autorités ont réprimé la société civile et les médias. Un grand nombre de défenseur·e·s des droits humains ont déjà été contraint·e·s de quitter le pays. Parmi les personnes qui sont restées, beaucoup ont été injustement poursuivi·e·s en justice pour leur travail en faveur des droits humains. L'ACAT a été interdite en 2016.

En juillet 2017, Germain a été arrêté et condamné à 32 ans de prison en avril 2018. Il a été déclaré coupable de nombreuses accusations forgées de toutes pièces, notamment de « rébellion » et d’« atteinte à la sûreté de l’État ». En juillet 2020, la Cour de cassation a jugé que son affaire devait être rejugée en raison du caractère inéquitable du procès. En juin 2021, une cour d'appel a réduit sa peine de prison à un an et Germain a enfin pu sortir de prison.

Nassima al-Sada d'Arabie Saoudite

© private

Pendant de nombreuses années, Nassima al-Sada a fait campagne pour que les femmes puissent vivre librement en Arabie saoudite. Mais son engagement lui a fait perdre sa propre liberté. Aux côtés de d'autres militantes de premier plan, elle a revendiqué le droit des femmes à conduire et à exercer leurs activités quotidiennes sans l’autorisation d’un « tuteur » masculin.

En Arabie saoudite, les lois relatives à la tutelle obligent les femmes à demander l’autorisation d’un homme pour sortir et pour d’autres besoins essentiels. Malgré un assouplissement de ces lois, les femmes qui ont fait campagne pour mettre fin au système de tutelle sont derrière les barreaux depuis plus de deux ans. « Pourquoi un garçon mineur devrait-il être le tuteur d’une femme adulte ? » a écrit Nassima en 2016. « Pourquoi n’y a-t-il pas un âge auquel une femme devient adulte, responsable de ses décisions et de sa vie ? Pourquoi un homme devrait-il être responsable de sa vie ? »

Nassima a été arrêtée à cause de son travail pacifique en faveur des droits humains en juillet 2018. Elle a été torturée en prison. Elle a été placée dans une cellule seule, complètement isolée des autres détenues, de février 2019 à février 2020. Le 27 juin 2021, Nassima al-Sada a été autorisée à quitter la prison sous certaines conditions, notamment une interdiction de voyager. Amnesty International continue de la soutenir.