Face à la menace grandissante qui pèse sur le droit de manifester dans le monde entier, et en parallèle avec la nouvelle campagne mondiale d’Amnesty International intitulée Protect the Protest, Amnesty Suisse plaide en faveur de 8 personnes qui ont payé le prix fort pour s’être exprimées. Cette année, le Marathon des lettres met en évidence le cas d’une avocate de Hong Kong emprisonnée pour avoir encouragé des personnes à allumer des bougies afin de commémorer la répression de Tiananmen. Mais aussi celui d’un Iranien emprisonné et torturé pour avoir manifesté pacifiquement contre les inégalités et la répression politique, celui d’une artiste russe emprisonnée pour une action pacifique, ou encore celui de trois militantes zimbabwéennes qui ont été enlevées, rouées de coups, agressées sexuellement et emprisonnées en raison de leurs activités militantes. Deux femmes transgenres paraguayennes qui tentent de faire reconnaitre leur identité sont également au cœur de cette édition.
« Lorsque suffisamment de personnes s’unissent et remettent en cause les injustices en parlant d’une seule voix, les autorités écoutent et des vies s’en trouvent transformées. »Alexandra Karle, directrice de la section suisse d'Amnesty International
«Année après année, le Marathon des lettres nous rappelle le pouvoir persistant de l’action collective. Cette campagne a montré à maintes reprises que, lorsque suffisamment de personnes s’unissent et remettent en cause les injustices en parlant d’une seule voix, les autorités écoutent et des vies s’en trouvent transformées», a déclaré Alexandra Karle, directrice de la section suisse d’Amnesty International.
«Partout dans le monde, le droit de manifester est en danger. Rien qu’au cours des 12 derniers mois, nous avons vu des gouvernements réprimer de nombreux mouvements de protestation, de l’Iran à la Chine, en passant par bien d’autres pays. Il est donc tout à fait naturel que, à l’occasion de l’édition 2022 du Marathon des lettres, des militant·e·s témoignent leur solidarité à l’égard des personnes qui paient le prix fort pour s’être exprimées ouvertement.»
Focus sur le droit de manifester
Dans toutes les régions du monde, des États ont entrepris de mettre en œuvre un éventail de plus en plus large de mesures visant à réprimer la dissidence. Aux quatre coins de la planète, des manifestant·e·s se heurtent à de fortes restrictions, associées à un nombre grandissant de lois et d’autres mesures limitant le droit de manifester. Parmi celles-ci, l’interdiction ou la pénalisation des manifestations, le recours excessif et injustifié à la force, l’utilisation illégale de certains instruments de maintien de l’ordre, les arrestations et détentions illégales, le développement de la surveillance de masse et ciblée illégale, les blocages de l’accès à Internet et la censure en ligne, ainsi que le harcèlement et la stigmatisation.
Les personnes victimes d’inégalités et de discrimination, que celles-ci soient fondées sur le genre, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la religion, l’âge, la situation au regard du handicap, la profession, le statut social, la situation économique ou le statut migratoire, sont les plus touchées par les restrictions qui entravent leur droit de manifester et subissent une répression plus dure.
Cette année, le Marathon des lettres met en avant 8 personnes pour qui la répression exercée par le gouvernement contre le droit de manifester a eu des conséquences néfastes :
- Chow Hang-tung, avocate de Hong Kong qui purge actuellement une peine de 22 mois d’emprisonnement pour avoir encouragé des personnes sur les réseaux sociaux à allumer des bougies afin de commémorer la répression de Tiananmen ;
- Alexandra Skotchilenko, de Russie, qui risque une peine allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement pour s’être opposée à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
- Vahid Afkari, condamné à plusieurs décennies de réclusion et à 74 coups de fouet pour avoir participé à des manifestations contre les inégalités et la répression politique en Iran, et dont la famille a été prise pour cible à plusieurs reprises pour avoir cherché à obtenir la vérité et la justice.
- Les militantes zimbabwéennes Joanah Mamombe, Netsai Marova et Cecillia Chimbiri, enlevées, rouées de coups, agressées sexuellement et emprisonnées pour avoir manifesté, puis inculpées d’avoir menti sur ce qui leur était arrivé ;
- Yren Rotela et Mariana Sepulveda, deux femmes transgenres du Paraguay que les autorités empêchent de changer officiellement de nom ;
Lors de cette Journée des droits humains, de nombreux événements en rapport avec le Marathon des lettres se tiendront dans toutes les régions du monde. Parmi ceux-ci, un concert en Côte d’Ivoire, un semi-marathon au Zimbabwe et des événements publics d’écriture de lettres aux quatre coins du globe. En Suisse romande, plusieurs groupes d’activistes organisent des actions à Genève, Lausanne ou Nyon.
Des mots pour changer des vies
Chaque année, en décembre, des personnes du monde entier écrivent des millions de lettres, courriels, tweets, messages sur Facebook et cartes postales pour soutenir celles et ceux qui sont injustement persécutés. Ces sympathisant·e·s ont contribué à transformer la vie de plus d’une centaine de personnes depuis 2001, les libérant ainsi de la torture, du harcèlement ou d’une incarcération injuste. En 2021, ce sont pas loin de 4,5 millions de lettres qui ont ainsi été rédigées.
Complément d’information
Le Marathon des lettres a débuté il y a 21 ans à Varsovie, en Pologne, lorsqu’un groupe d’ami·e·s a décidé de célébrer la Journée internationale des droits humains en organisant une action militante de 24 heures. Des 2 326 lettres rédigées en 2001 aux 4,5 millions de lettres, tweets et signatures de pétitions obtenus en 2021, la campagne est devenue le plus grand événement en faveur des droits humains au monde.
La campagne de l’an dernier a mis en lumière le cas d’un enseignant et militant écologiste du Guatemala, Bernardo Caal Xol, condamné à plus de sept ans d’emprisonnement pour des accusations forgées de toutes pièces, destinées à empêcher son travail pour la protection des terres et des ressources de son peuple. Durant l’édition 2021 du Marathon des lettres, plus de 500 000 personnes se sont mobilisées en sa faveur et il a été libéré en mars 2022. Dans un message vidéo adressé aux militant·e·s d’Amnesty International, il avait déclaré : « Moi, Bernardo Caal Xol, membre du peuple maya q’eqchi du Guatemala, je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous. Vous m’avez donné espoir pour la justice, la liberté et l’égalité qui doivent prévaloir pour tous les peuples et toutes les nations. »