Ce genre de visite est l'occasion pour moi de constater à quel point la revendication du respect des droits fondamentaux est la même en Suisse ou au Bénin, malgré les différences entre nos cultures, nos croyances et nos réalités quotidiennes.
J'ai eu la chance d'assister, dans un village, à l'évaluation d'un programme d'éducation aux droits humains mis sur pied par une association locale et soutenu par Amnesty Bénin. La communauté villageoise a choisi, il y a deux ans, de travailler en priorité sur la question des droits successoraux des femmes. Le Code des personnes et de la famille du Bénin prévoit depuis 2004 l'égalité entre femmes et hommes en cas d'héritage. Mais, dans les faits, les veuves, souvent mises sous pression par leur famille, se résignent à épouser un frère de leur époux décédé. La tradition prime sur la loi.
Le programme d'éducation aux droits humains a consisté à «traduire» et à expliquer aux femmes la loi en langue locale, ainsi qu'à leur donner les moyens de revendiquer leurs droits. Les hommes ont aussi été impliqués, notamment les chefs de village et les chefs religieux. Un comité local a été créé, qui s'occupe de recevoir les plaintes des femmes et d'y donner suite.
Une femme lettrée, vêtue d'un élégant boubou, a raconté comment son père avait divisé ses terres entre ses quatre fils, sans rien donner à ses six filles. Indignée par cette injustice, elle a décidé de ne pas en rester là et de s'adresser à ses frères pour qu'ils partagent les terres, comme le prévoit la loi L'imam a, pour sa part, expliqué qu'il sensibilisait les hommes durant ses prêches, pour qu'ils traitent leurs filles et leurs fils de façon égale.
«Les traditions représentent parfois une menace pour les droits fondamentaux.»
Résoudre les problèmes qui se posent tout près de chez soi, dans sa communauté, dans son quartier, permet de sensibiliser aux droits. Les traditions représentent parfois une menace pour les droits fondamentaux, notamment les droits des femmes, car ceux qui ont du pouvoir utilisent les coutumes pour justifier les inégalités et maintenir leur domination.
«Ce n'est pas parce que la Déclaration universelle des droits de l'homme n'a pas été écrite en birman par des Birmans qu'elle ne s'applique pas au peuple birman», soulignait la lauréate du Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi quand elle était assignée à résidence. Souvenons-nous de cette phrase le jour où nous célébrons les 65 ans de la Déclaration universelle, un texte fondamental qui affirme par son nom même l'universalité de tous les droits.