Erythrée Vingt ans après l’indépendance, la répression à tout-va

13 mai 2013
Vingt ans après que l'Érythrée ait obtenu son indépendance, des milliers de prisonniers politiques sont encore incarcérés sans avoir jamais été inculpés. Ceux-ci sont des opposants au gouvernement, des journalistes, des adeptes de religions non reconnues, ainsi que des personnes ayant essayé de quitter le pays ou d’éviter la conscription obligatoire.

130513_erythree.jpg Quelques-uns des 10'000 prisonniers politiques en Erythrée. © Privé

Dans un document intitulé Twenty years of independence but still no freedom, Amnesty revient sur vingt ans de répression du gouvernement  du président Isaias Afewerki, au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1993.

«Le gouvernement recourt systématiquement aux arrestations arbitraires et aux détentions sans inculpation pour écraser toute opposition, réduire au silence tous les dissidents, et punir quiconque refuse de se plier aux restrictions répressives imposées aux citoyens, a précisé Claire Beston, spécialiste de l’Érythrée à Amnesty International.  Vingt ans après l’euphorie de l’indépendance, l’Érythrée est l’un des pays les plus répressifs, secrets et inaccessibles au monde.»

Amnesty International estime qu’au moins 10 000 personnes ont été placées en détention pour des motifs politiques. À la connaissance de l’organisation, pas un seul de ces prisonniers politiques n’a été inculpé ni jugé, ni pu s’entretenir avec un avocat ou été déféré devant un juge ou un représentant de l’autorité judiciaire susceptibles de se prononcer sur la légalité et la nécessité de sa détention. Dans la grande majorité des cas, les familles de prisonniers ne sont pas informées du lieu où ceux-ci se trouvent, et restent bien souvent sans nouvelles de leurs proches après leur arrestation. Le recours à la torture – au titre de sanction, dans le cadre d’interrogatoires et pour exercer une contrainte – est monnaie courante.

Détentions secrètes et illégales: l’arme de répression du gouvernement

Il existe un vaste réseau de centres de détention en Érythrée – certains sont bien connus, d’autres sont secrets. Mais compte tenu de l’opacité extrême des procédures de détention, on n’en connaît pas le nombre exact. De nombreux centres de détention placent les prisonniers dans des cellules souterraines et des conteneurs métalliques. Beaucoup de ces établissements se trouvent dans le désert et les températures, qui peuvent y être extrêmes dans un sens comme dans l’autre, sont accrues par les conditions souterraines et les murs des conteneurs métalliques. Tous ces lieux sont surpeuplés et crasseux ; nourriture et eau potable y sont par ailleurs fournies en quantité limitée.

Un homme ayant été détenu dans une cellule souterraine du camp militaire de Wi’a a ainsi dit à Amnesty International: «Nous ne pouvions pas nous allonger [dans la cellule souterraine]. C’est mieux d’être debout parce que si vous vous couchez, votre peau reste collée au sol. Le sol est terriblement chaud.»

Amnesty International demande au président Isaias Afewerki de libérer immédiatement tous les prisonniers d’opinion arrêtés pour avoir exercé de manière pacifique leurs droits à la liberté d'expression, d'opinion, d'association, de religion ou de conscience, ou en raison de leur identité, en tant que parents de personnes ayant fui le pays. Les autorités érythréennes doivent par ailleurs inculper toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction reconnue par la loi et la juger dans les meilleurs délais au cours d’un procès conforme aux normes d’équité ou bien la remettre immédiatement en liberté. Les familles doivent être informées du sort réservé à leurs proches arrêtés.