Gambie Des militants commémorent vingt ans d'une répression de fer

22 juillet 2014
Le gouvernement gambien doit abolir les lois et pratiques draconiennes à l'origine de deux décennies de violations généralisées des droits humains, a déclaré Amnesty International en se joignant à d'autres groupes de défense des droits fondamentaux pour une journée mondiale d'action marquant les vingt années écoulées depuis que le président Jammeh s'est arrogé le pouvoir.

140722_Gambie_Jammeh_86897_196x196.jpg Le président Yahya Jammeh règne sur la Gambie d'une main de fer depuis 1994. © APGraphicsBank

Des militants du monde entier ont pris part à des actions de protestation et à des manifestations publiques le 22 juillet afin de sensibiliser l'opinion à la terrible situation des droits humains en Gambie, où de nombreuses personnes vivent dans la crainte de connaître une arrestation arbitraire, la torture et une disparition forcée. En Gambie, cet anniversaire est traditionnellement célébré sous le nom de «Journée de la liberté».

«Cela fait exactement vingt ans que la peur règne en Gambie, pays où la liste des victimes de violations des droits humains n'en finit pas de s'allonger, a déclaré Stephen Cockburn, directeur régional adjoint pour l'Afrique de l'Ouest et centrale à Amnesty International. Les autorités gambiennes doivent enquêter sur les plaintes déposées par les victimes d'atteintes aux droits humains et traduire en justice les auteurs présumés de ces actes. Elles doivent en outre abroger les lois rendant cette répression possible.»

Les journalistes, les défenseurs des droits humains, les militants politiques et d'autres Gambiens sont fréquemment pris pour cible pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression. Une série de lois adoptées depuis l'arrivée au pouvoir du président Jammeh en 1994 permet que ces violations soient perpétrées dans une impunité quasi-totale et dissuade les victimes de chercher à obtenir réparation.

Micmac législatif

En 2001, par exemple, la modification de la Loi relative à l'immunité a accordé au président le pouvoir de mettre les membres des forces de sécurité à l'abri des poursuites pour tout acte commis dans le cadre de l'état d'urgence ou d'un processus visant à réprimer un rassemblement illégal.

Plus récemment, en juillet 2013, le gouvernement gambien a adopté la Loi portant modification de la Loi relative à l’information et à la communication, en vertu de laquelle les journalistes, les blogueurs et les internautes accusés de «propagation de fausses nouvelles» encourent des peines pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison et des amendes d'un montant pouvant atteindre environ 55 000 euros. «Le gouvernement du président Jammeh doit réviser ces lois et d'autres textes utilisés pour restreindre la liberté d'expression, a déclaré Stephen Cockburn. Les autorités doivent par ailleurs libérer toutes les personnes illégalement maintenues en détention, à moins qu'elles ne soient inculpées d’infractions reconnues par la loi et jugées dans le cadre de procès équitables. Elles doivent également remettre en liberté l'ensemble des prisonniers d’opinion.»

 


 

Complément d’information

Certaines dispositions utilisées pour restreindre la liberté d'expression, d'association et de réunion en Gambie depuis 1994 figurent dans la Loi relative à l'information et à la communication, la Loi relative à l'immunité et la Loi relative au Code pénal.

Amnesty International, Article 19 Afrique de l'Ouest et la RADDHO demandent aux autorités gambiennes de mettre en œuvre dans les meilleurs délais les résolutions 134 et 145 de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, qui ont trait à la liberté d'expression.

Ces organisations engagent par ailleurs les autorités gambiennes à respecter les décisions rendues par la Cour de justice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest concernant les journalistes Ebrima Manneh, qui a disparu en 2006, Musa Saidykhan, qui a été torturé en 2006, et Deyda Hydara, victime d'un homicide illégal en 2004 et dont le cas n'a toujours pas été élucidé. La Cour a ordonné l'indemnisation des familles dans ces trois affaires, et exigé la libération d'Ebrima Manneh.

Dans sa synthèse intitulée Vingt années de peur en Gambie, Amnesty International fait état de violations des droits humains perpétrées en Gambie. Ce document revient notamment sur le cas du journaliste Ebrima Manneh, considéré comme un prisonnier d'opinion par Amnesty International, qui a été soumis à une disparition forcée en 2006. En 2013, Amadou Sanneh, Alhagie Sambou Fatty et Malang Fatty, militants du Parti démocratique unifié, un parti d'opposition, ont été arrêtés pour sédition et torturés.