L’affaire Charles Taylor est la dernière à être jugée par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Lorsque que cette affaire aura été bouclée, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone aura été le premier tribunal international de notre époque à avoir mené à bien sa tâche. Le Tribunal spécial a obtenu la condamnation de neuf personnes considérées comme endossant la plus grande responsabilité dans les crimes relevant du droit international.
La chambre de première instance du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui siège à La Haye pour des raisons de sécurité, a déclaré Charles Taylor coupable de 11 chefs d’accusation de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis dans ce pays d’Afrique de l’Ouest entre 1996 et 2002.
Le prononcé de la peine aura lieu bientôt, lors d’une audience distincte. La défense et l’accusation peuvent faire appel contre le jugement.
Le juge présidant le tribunal a déclaré que l’accusation avait prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Charles Taylor était responsable de la planification de crimes commis en Sierra Leone par le Front révolutionnaire uni (RUF) et le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC), et qu’il avait été complice de l’exécution de ces crimes.
Chefs d'accusation en vidéo
Des victimes attendent toujours que justice soit rendue
Si la déclaration de culpabilité prononcée jeudi 26 avril 2012 est très importante, Amnesty International demeure préoccupée par le fait que des milliers de personnes victimes d’atrocités pendant une décennie de conflit armé attendent toujours de voir les auteurs de ces agissements déférés à la justice.
Du fait que le Tribunal spécial a été mandaté pour enquêter uniquement sur les personnes ayant la plus grande responsabilité dans les graves violations du droit international humanitaire commises sur le territoire de la Sierra Leone, et d’engager des poursuites à leur encontre, seules 12 personnes en plus de Charles Taylor ont été inculpées de crimes.
Trois de ces personnes sont mortes et un suspect est en fuite. Des milliers d’autres suspects appartenant au RUF, à l’AFRC et aux Forces de défense civile (CDF) n’ont pas été remis au Tribunal spécial pour la Sierra Leone ni à la justice sierra-léonaise.
En 2004, la Commission vérité et réconciliation a fourni un rapport contenant des recommandations détaillées sur les réparations à fournir aux personnes ayant souffert tout au long du conflit. Il reste cependant du travail à accomplir pour que soit mis en place un plan à long terme permettant à toutes les victimes de recevoir les réparations qui leur reviennent.
Amnesty International continue de demander que les dispositions de l’Accord de paix de Lomé (1999) prévoyant une amnistie soient supprimées, et qu’une loi définissant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité comme des crimes relevant du droit sierra-léonais soit adoptée. À ce jour, les milliers de personnes soupçonnées de crimes qui ne sont pas jugées par le Tribunal spécial ne peuvent pas être jugées en Sierra Leone.
En plus de supprimer les dispositions relatives à une amnistie, les autorités sierra-léonaises devraient rendre le droit pénal du pays conforme au droit international et faire en sorte que la justice sierra-léonaise ait les moyens d’enquêter sur tous les crimes de droit international et d’en juger les auteurs présumés équitablement et sans avoir recours à la peine de mort; il faut aussi qu’elles permettent aux survivants de demander directement des réparations aux personnes reconnues coupables.
Un climat d'impunité au Libéria
Le jugement rendu jeudi 26 avril 2012 à l’encontre de Charles Taylor a attiré l’attention sur les crimes qui n’ont pas encore été jugés au Liberia, pays natal de l’ancien chef d’État.
Pendant les 14 années de guerre civile au Liberia, au cours desquelles Charles Taylor a été d’abord le dirigeant d’un des nombreux groupes d’opposition armés puis le président du pays, toutes les parties au conflit se sont rendues coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité (y compris de meurtres à caractère ethnique); d’actes de torture; de viols et d’autres crimes de violence sexuelle; d’enlèvements, et de recrutement et d’utilisation d’enfants-soldats.
La recommandation de la Commission vérité et réconciliation du Liberia de créer un tribunal pénal chargé de poursuivre les personnes soupçonnées d’être responsables de crimes de droit international n’a pas été suivie d’effet, comme la plupart des autres recommandations de la Commission concernant une réforme de la justice ou d’autres réformes institutionnelles, l’obligation de rendre des comptes et les réparations aux victimes.