Des jeunes hommes et des enfants sont entraînés par des milices armées. Leur but:  reprendre les zones contrôlées par les groupes islamistes au Nord du pays.  © AI
Des jeunes hommes et des enfants sont entraînés par des milices armées. Leur but: reprendre les zones contrôlées par les groupes islamistes au Nord du pays. © AI

Mali Les civils paient un lourd tribut au conflit

24 septembre 2012
Amputations et autres châtiments corporels, violences sexuelles, harcèlement quotidien dans le but d’imposer de nouvelles mœurs, enfants soldats, exécutions extrajudiciaires : tel est le lot des civils pris dans le conflit qui secoue le Mali. Prêcheurs musulmans tués par des militaires

«Aujourd’hui les parties au conflit armé s’observent sans s’affronter directement. Cependant les civils, de part et d’autre de la ligne qui divise le pays en deux, continuent de payer un lourd tribut », déclare Gaëtan Mootoo, chercheur d’Amnesty International sur l’Afrique de l’ouest, de retour d’une mission de 15 jours au Mali.

Depuis le mois d’août 2012, sept personnes accusées de vol ou de braquage ont été amputées à la suite de décisions expéditives.

Le 8 août 2012, Alhader Ag Almahmoud, éleveur tamasheq (touareg), accusé d’avoir volé du bétail, a été amputé de la main droite à la suite d’un procès méprisant les garanties essentielles prévues par le droit international. Cet homme a raconté à Amnesty International :

«J’étais assis au milieu de plus de dix personnes dont le chef du MUJAO [Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest]. Les questions n’ont pas dépassé les dix minutes […] La majorité a déclaré que j’étais coupable et qu’il fallait appliquer la Charia en me coupant la main droite au niveau du poignet. […] Avant l’amputation de ma main, le propriétaire du bétail volé est venu déclarer que les bêtes avaient été retrouvées.»

Au Nord, le nombre de châtiments corporels imposés à des personnes accusées d’avoir commis des crimes, par les groupes islamistes armés, à la suite de parodies de procès, ne cesse de croître.

Jeune fille violée par la police d'Ai Qaïda

Les femmes continuent d’être victimes de violences sexuelles. Une jeune fille âgée de quatorze ans a été violée à Tombouctou par un membre de la «police» mise en place par Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Un résident de la ville a témoigné auprès d’Amnesty International :

«Cet homme, un Burkinabè, a été arrêté et condamné à cent coups de bâton. L’homme a également été condamné à épouser la jeune fille, à être exclu de la police, et à s’exiler de Tombouctou durant un an. Il a reçu 11 coups de bâton sur la place Sankoré, mais il n’a pas épousé sa victime, n’a pas été expulsé de Tombouctou et continue de faire partie de la police d’AQMI.»

Amnesty International lance un appel aux groupes islamistes armés pour qu’ils mettent un terme aux châtiments corporels, y compris les lapidations et amputations ainsi qu’aux violences à l’égard des femmes.

Des enfants entraînés par des milices

Par ailleurs, le recours à des enfants soldats par les groupes islamistes armés dans le Nord et des milices d’autodéfense dans la zone gouvernementale persiste.

La délégation a pu avoir accès à des camps d’entraînement de milices d’autodéfense et a rencontré des enfants recrutés et entraînés dans la perspective d’une offensive destinée à reprendre le contrôle du Nord du pays.

Les responsables de ces camps ont déclaré à Amnesty International que leurs milices étaient entraînées et armées par des militaires et d’anciens soldats maliens.

Plus récemment, le conflit a conduit les forces gouvernementales à accroître leur surveillance de certains mouvements musulmans, soupçonnés d’être liés à ces groupes.

C’est dans ce contexte que dans la nuit du 8 au 9 septembre 2012, 16 personnes, membres d’un mouvement de prêcheurs musulmans, la Dawa, ont été arrêtées à bord d’un véhicule par des militaires maliens à Diabaly (à environ 400 km au nord-est de Bamako). Quelques heures plus tard, ces personnes ont été exécutées de manière extrajudiciaire.

«Les autorités maliennes doivent faire toute la lumière sur ces faits et traduire en justice les auteurs de ces actes», rappelle Gaëtan Mootoo.