Mali Disparitions, homicides et tortures d'opposants à la junte

31 juillet 2012
Le Mali doit mettre un terme à l’engrenage infernal de violations des droits humains et ouvrir des enquêtes sur les dizaines de cas de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de tortures.

Dans un rapport publié le 31 juillet 2012, Amnesty International documente de graves violations des droits humains commises par des soldats fidèles à la junte militaire contre des militaires et des policiers impliqués dans un contre-coup d’État le 30 avril 2012.

Le contre-coup d’État a opposé des parachutistes connus sous le nom de  bérets rouges» et favorables à l’ancien président Touré et des militaires connus sous le nom de «bérets verts» qui soutenaient le putsch du capitaine Sanogo.

Dans les jours qui ont suivi cette tentative de contre-coup d’État, des dizaines de militaires et de policiers ont été arrêtés et conduits au camp militaire de Kati (à 20 kilomètres au nord de Bamako, la capitale). Ils y ont été détenus durant plus de 40 jours dans des conditions effroyables et soumis à des tortures et des sévices sexuels. Vingt-et-un détenus ont été enlevés de leur cellule en pleine nuit et on est sans nouvelles d’eux depuis lors.

En toute impunité

Le rapport d’Amnesty International décrit les conditions dans lesquelles au moins 21 personnes ont été victimes de disparitions forcées après avoir été enlevées de leur cellule dans la nuit du 2 au 3 mai 2012.

«Le gouvernement de transition du Mali a failli dans sa tâche de protection des droits humains de ses citoyens et cette absence de droit ne peut pas continuer»,  a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur d’Amnesty International sur l’Afrique de l’Ouest..

«Les responsables du système judiciaire malien doivent immédiatement initier une enquête sur ces événements très graves et restaurer la stabilité dans un pays qui a énormément souffert au cours des six derniers mois.»

Lire le rapport (24 p.)

TEMOIGNAGES
«Nous n'avons plus revu nos compagnons de cellule»

L’un des co-détenus de ces disparus a raconté à Amnesty International :

«Vers 2 heures du matin, la porte de notre cellule s’est ouverte. Nos geôliers sont restés devant la porte et ils ont commencé à lire une liste. Un à un, les militaires appelés sont sortis. Nous n’avons plus revu nos compagnons de cellule depuis cette date.»

Amnesty International s’inquiète également du sort d’un certain nombre de soldats blessés lors du contre-coup d’État qui ont été enlevés, le 1er mai 2012, par des membres de la junte militaire à l’hôpital Gabriel Touré de Bamako où ils étaient soignés. En dépit de ses demandes, Amnesty International n’a pas pu obtenir la liste de ces militaires ni établir le lieu où ils se trouvent.

80 personnes dans une cellule de cinq mètres carré

Les prisonniers ont décrit les conditions inhumaines et dégradantes auxquelles ils ont été soumis au camp militaire de Kati. Détenus en sous-vêtements dans une cellule de cinq mètres carrés qui a contenu jusqu’à plus de 80 personnes, les prisonniers ont été contraints de faire leurs besoins dans un sac en plastique et ont été privés de nourriture pendant les premiers jours de leur détention. Certains détenus ont été régulièrement extraits de la cellule pour être passés à tabac.

Un prisonnier a décrit la manière dont on l’avait été torturé dans le but de lui extorquer des «aveux» :

«Ils nous ont demandé d’avouer que nous voulions faire un coup d’État. Ils nous ont fait coucher sur le ventre, ils nous ont menottés les mains dans le dos et les ont liées à nos pieds. L’un des militaires a enfoncé un chiffon à l’aide d’un bâton dans nos bouches. On ne pouvait plus parler et encore moins crier. Ils ont éteint des cigarettes sur nos corps et l’un d’eux en a éteint une dans mon oreille gauche.»

Des sévices inhumains

Dans certains cas, les prisonniers ont été victimes de sévices sexuels à Kati. Un policier a raconté :

«Nous étions au nombre de quatre, ils nous ont demandés de nous déshabiller complètement, ils nous ont ordonnés de nous sodomiser mutuellement, autrement ils nous exécuteraient. (…) Durant l’acte, nos gardes hurlaient en nous demandant d’aller plus fort. »