Mali Le commerce des armes contribue à l’utilisation des enfants soldats

11 février 2013
Au Mali et dans près de 20 autres pays, la règlementation lacunaire des transferts d’armes contribue au recrutement et à l’utilisation de garçons et de filles de moins de 18 ans dans le cadre d’affrontements – par des groupes armés et, dans certains cas, par les forces gouvernementales.

130211_child_soldier.jpg Encore aujourd'hui, des enfants sont utilisés lors de conflits armés. © AI & privé

«De récentes recherches effectuées par Amnesty International au Mali ont révélé une fois de plus les atrocités auxquelles sont confrontés les mineurs qui sont recrutés comme enfants soldats par les troupes gouvernementales et les groupes armés dans divers conflits à travers le monde, et sont parfois envoyés en première ligne», a déploré Brian Wood, responsable des questions liées au contrôle des armes et aux droits humains au sein d’Amnesty International.

Dans la ville de Diabaly, un enfant a expliqué comment un groupe armé islamiste l’a recruté et entraîné de force: «J’étudiais auprès d’un maître coranique. Il y a deux mois, le petit-fils de mon maître nous a vendus aux islamistes. Nous avons rejoint un groupe de 14 autres jeunes armés. Au début, on m’a fait travailler aux cuisines. Nous cuisinions dans une église chrétienne occupée par les islamistes. Les rebelles nous frappaient [avec une ceinture en caoutchouc] pendant les leçons coraniques parce qu’[…] ils voulaient que nous prononcions l’arabe comme eux. […] Ils nous ont entraînés à tirer, en visant le cœur ou les pieds. Avant les combats, nous devions manger du riz mêlé à une poudre blanche, ainsi qu’une sauce mélangée à une poudre rouge. On nous faisait aussi des injections. On m’en a fait trois. Après les piqûres et le riz mélangé à la poudre, on pouvait me manœuvrer comme une voiture, je faisais n’importe quoi pour mes maîtres. Je considérais nos ennemis comme des chiens et je n'avais qu'une idée en tête : leur tirer dessus.»

L’organisation dispose d'éléments prouvant que des milices soutenues par le gouvernement malien ont également recruté des enfants soldats précédemment, mais il n’a pour l’instant pas été établi que ces groupes les aient déployés en première ligne.

Ces dernières années, Amnesty International a par ailleurs recensé des cas de recours à des enfants soldats – ou des allégations en ce sens – dans de nombreux autres pays, dont la Côte d’Ivoire, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Sri Lanka, le Tchad et le Yémen.

Interdire les armes pour protéger les enfants

Un TCA fort peut aider à mettre fin au recrutement forcé d'enfants soldats, en limitant les flux d’armes à destination des gouvernements et groupes armés qui portent atteinte aux droits humains.

«Le traité sur le commerce des armes doit engager les gouvernements à prévenir les transferts d’armes susceptibles d’être utilisées pour commettre des violences contre des enfants, et inclure des règles visant à juguler les flux d’armes à destination des forces gouvernementales et des groupes armés responsables de crimes de guerre ou de violations graves des droits humains. Or, les règles inscrites dans la version actuelle du texte ne sont pas suffisamment strictes pour faire réellement bouger les choses.»

Alors que les négociations finales relatives au traité sur le commerce des armes (TCA) doivent se tenir aux Nations unies le mois prochain, Amnesty International demande une nouvelle fois à tous les États d’adopter un traité fort contenant de véritables règles pour la protection des droits humains.