L'école de Chibok dans laquelle 276 lycéennes ont été enlevées en avril 2014 est resté fermée, comme beaucoup d'autres dans le pays. © DR
L'école de Chibok dans laquelle 276 lycéennes ont été enlevées en avril 2014 est resté fermée, comme beaucoup d'autres dans le pays. © DR

Nigeria Une centaine de lycéennes toujours disparues, neuf ans après leur enlèvement

Communiqué de presse du 14 avril 2023, Londres, Berne – Contact du service de presse
Neuf ans après l’enlèvement de 276 lÿcéennes par le groupe armé Boko Haram, 98 d’entre elles sont toujours captives. Des enlèvements similaires ont également eu lieu dans l’intervalle, signe de l’échec de la politique de protection des enfants des autorités nigérianes.

Depuis l'enlèvement des lycéennes de Chibok par Boko Haram, une multitude d'écoles ont été prises pour cible, et des jeunes filles ont été enlevées, violées, tuées ou mariées de force. Les autorités nigérianes n'ont cependant pas mené une seule enquête crédible sur les défaillances en matière de sécurité qui ont rendu les enfants vulnérables aux atrocités commises par Boko Haram et les hommes armés.

« Les parents des 98 lycéennes de Chibok qui sont toujours détenues par Boko Haram – ainsi que d'autres enfants enlevés par des hommes armés – vivent dans l'angoisse, sachant que leurs enfants sont entre les mains d'individus impitoyables qui soumettent leurs proches à des brutalités glaçantes », a déclaré Isa Sanusi, directeur par intérim d'Amnesty International Nigeria.

« Il est plus que temps que les autorités nigérianes prennent des mesures significatives pour lutter contre les groupes armés tels que Boko Haram. Le Nigeria a l'obligation de mettre en œuvre des garanties pour protéger tous les enfants. Pire, l'absence d'obligation de rendre des comptes pour ces crimes odieux alimente l'impunité. Les lycéennes de Chibok portées disparues doivent être rendues à leurs familles, et tous les responsables de graves violations doivent être traduits en justice. »

Entre décembre 2020 et mars 2021, au moins cinq cas d'enlèvements ont été signalés dans le nord du Nigéria, notamment dans des écoles, à Kankara, Kagara, Jangebe, Damishi Kaduna, Tegina et Yawuri, tandis que la menace de nouvelles attaques a entraîné la fermeture de plus de 600 écoles dans le nord du pays.

Les lycéennes abandonnées à leur sort

Fin mars, Amnesty International a interrogé cinq lycéennes de Chibok qui avaient échappé à Boko Haram, ainsi que leurs parents. Les personnes interrogées ont déclaré qu'elles avaient perdu presque tout espoir que les 98 autres filles soient un jour secourues.

L'une d'entre elles a déclaré à Amnesty International : « Le gouvernement nigérian ne doit pas oublier les 98 autres filles. Elles doivent être secourues. Chaque matin, je me réveille et je me souviens de l'état dans lequel je les ai laissées. Je pleure, j'ai pitié d'elles. Neuf ans, c'est trop long pour rester dans un état aussi déplorable. Le gouvernement doit tenir sa promesse de sauver toutes ces filles. »

Les parents des victimes s'inquiètent du fait que les jeunes filles qui ont refusé d'être « mariées » par Boko Haram subissent chaque jour des traitements brutaux.

L'un des parents a déclaré à Amnesty International : « Notre douleur est infinie parce que 14 des filles sont revenues avec 24 enfants. Nous avons avec nous des petits-enfants de pères inconnus. Notre fardeau s'est maintenant multiplié car nous n'avons pas l'argent nécessaire pour nourrir, éduquer et soigner nos enfants et petits-enfants rapatriés. À cela s'ajoutent le rejet et la stigmatisation de la société auxquels nous sommes tous confrontés. Nous sommes désespérés ! »

Les parents des jeunes filles de Chibok qui sont toujours détenues par Boko haram ont déclaré à Amnesty International que les autorités nigérianes ne communiquent plus avec eux et les ont finalement abandonnés.

Depuis février 2021, les régions du nord du Nigeria ont subi des attaques répétées contre des écoles et des institutions religieuses. Sur les plus de 780 enfants qui ont été enlevés contre rançon, plus de 61 sont toujours retenus en captivité deux ans après avoir été enlevés par des hommes armés. De nombreuses écoles de la région ont été fermées – et le sont toujours – en raison de l'insécurité croissante.

« Le sauvetage des dernières filles de Chibok est d'une importance capitale ; la tâche de les retrouver ne doit pas devenir un autre projet raté du gouvernement. Il est absolument crucial que le gouvernement sortant du Nigéria fasse tout ce qui est en son pouvoir pour ramener ces filles – ainsi que tous les autres enfants détenus par divers groupes armés – dans leurs familles », a déclaré Isa Sanusi.

Contexte

En avril 2014, 276 écolières avaient été enlevées dans une école secondaire publique à Chibok, une ville de l'État de Borno, au Nigeria. Certaines d'entre elles se sont échappées d'elles-mêmes, tandis que d'autres ont été libérées à la suite d'intenses campagnes menées par des organisations de la société civile ainsi que des négociations menées par le gouvernement. Cependant, 98 des jeunes filles enlevées en 2014 sont toujours en captivité. D’autres enfants ont été enlevés lors d'attaques ultérieures. Amnesty International documente les atrocités commises par Boko Haram dans les écoles depuis 2012. En mai 2020, l’organisation a également publié un rapport sur les conséquences désastreuses du conflit dans le nord-est du Nigéria sur les enfants.