RDC Dix notions à savoir pour comprendre la crise

22 mars 2013
Quelles sont les caractéristiques de la crise en République démocratique du Congo? Qui sont les responsables? Qu’est-ce que le M23? Quelles violations pour les droits humains? Réponses à dix questions importantes sur le malaise congolais
Quelles sont les caractéristiques de la crise en RDC?

Après deux guerres successives qui ont déchiré la République démocratique du Congo (RDC) entre 1996 et 2003, le gouvernement congolais n’est pas parvenu à établir son autorité dans ce vaste pays, ce qui a débouché sur la prolifération d’une multitude de groupes armés congolais et étrangers, notamment dans l’est. Ces groupes armés luttent entre eux et avec les Forces armées de la RDC (FARDC) pour s’emparer du pouvoir, défendre leurs communautés et contrôler les ressources naturelles.

Les affrontements intermittents entre ces groupes et l’armée nationale congolaise se sont traduits par des violations généralisées des droits humains commises par toutes les parties concernées, notamment des actes de torture, des disparitions forcées, des violences sexuelles, l’enrôlement d'enfants soldats, des exécutions extrajudiciaires et des arrestations illégales.

Ces violences ont atteint un niveau alarmant fin 2012, et plus de 2,4 millions de personnes ont dû quitter leur foyer pour trouver refuge ailleurs dans le pays.

Depuis mai 2012, l’armée nationale lutte principalement contre le groupe armé M23. Fin février 2013, les divisions au sein du M23 ont atteint leur paroxysme et des hostilités ouvertes se sont déclenchées au sein du groupe qui ont conduit Bosco Ntaganda et certains de ses proches lieutenants à fuir au Rwanda.

Qui est responsable de cette situation?

L'armée de RDC comme les groupes armés se sont rendus responsables d’atteintes aux droits humains généralisées contre la population civile dans tout le pays. Au fil des ans, les pays limitrophes ont également été accusés par le Groupe d’experts de l’ONU de soutenir certains groupes armés en leur fournissant des fonds, du matériel et des recrues. Les pays qui enfreignent l’embargo décrété par l’ONU sur les armes à destination des groupes armés en RDC contribuent eux aussi à l’afflux massif d’armements dans la région.

Des membres de l’armée responsables de graves violations des droits humains commises par le passé ont été promus au sein de l’armée, tandis que les groupes armés étaient intégrés dans des structures officielles, en l’absence de véritables mécanismes de sélection.

Qu’est-ce que le M23?

Le Mouvement du 23 mars (M23) a été fondé en mai 2012 à la suite de la désertion en avril d’ex-soldats principalement issus du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), qui avaient été intégrés dans les Forces armées de la RDC, processus prévu dans le cadre de l’accord de paix signé le 23 mars 2009 entre le CNDP et le gouvernement congolais.

Le M23 se compose d’une branche politique et d’une branche militaire, et parmi ses commandants figurent des personnes soupçonnées d’avoir commis par le passé de graves atteintes aux droits humains relevant du droit international et du droit international humanitaire.

Qui est Bosco Ntaganda?

Bosco Ntaganda fait partie du groupe armé M23. Si on ignore quel est son grade de commandement précis, en partie du fait des tensions entre ses partisans et les troupes fidèles à Laurent Nkunda, Bosco Ntaganda demeure l’un des principaux commandants, selon le Groupe d’experts des Nations unies sur la RDC.

Bosco Ntaganda fait l’objet d’un mandat d’arrêt décerné par la Cour pénale internationale (CPI) depuis 2006 pour des crimes qui auraient été commis dans la région de l’Ituri en 2003, lorsqu’il était semble-t-il commandant au sein d’un groupe armé, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).

Quels sont les intérêts des groupes armés?

Les groupes armés sont plus ou moins motivés par la lutte pour le pouvoir, des motifs économiques tels que l’accès aux minerais et aux ressources naturelles ou le pillage, et les calculs ethniques. Beaucoup affirment officiellement protéger les droits et les intérêts de leur communauté.

Le M23 est-il responsable de violations des droits humains?

Oui. Nous avons recensé des pratiques établies d’atteintes aux droits humains et de crimes de guerre commis par le M23, qui a notamment bafoué l’obligation de prendre en compte la population civile lors du lancement d’offensives, recruté de force des enfants qui étaient entraînés pour prendre part aux combats ou contraints de construire des postes militaires, s’est livré à des homicides illégaux et à des actes de violence sexuelle.

Amnesty International a également recueilli des témoignages accusant les soldats du M23 d’avoir commis des viols, lorsque le groupe armé a étendu son contrôle sur le territoire de Rutshuru. Une jeune femme de 26 ans a raconté que les membres du M23 étaient entrés dans son village, dans le district de Rutshuru, après que les Forces armées de la RDC ont pris la fuite en juillet 2012. Elle s’était cachée chez elle lorsque les soldats du M23 ont forcé l’entrée. Trois hommes armés parlant le kinyarwanda l’ont violée et ont menacé de la tuer si elle ne partait pas. Elle connaît trois autres femmes, ses voisines, qui ont elles aussi été violées par d’autres hommes du M23 le même jour. Leurs époux étaient partis depuis plusieurs jours pour acheter et vendre des marchandises dans une autre partie du district.

Amnesty International a également reçu des informations crédibles émanant de plusieurs sources au sein de l’ONU sur des affaires confirmées d’exécutions sommaires ou d’homicides illégaux imputables à des soldats du M23. Les victimes étaient des civils, notamment des dirigeants de communautés, et des prisonniers de l’armée congolaise.

Que répond le M23 aux accusations?

Lorsque les délégués d’Amnesty International ont rencontré Sultani Makenga et Vianney Kazarama, porte-parole du M23, en septembre 2012 à Rutshuru, tous deux ont mis en avant leur programme national, centré sur l’amélioration de la bonne gouvernance, de la démocratie et des droits humains, comme étant la raison d’être sous-jacente du M23.

Les responsables du M23 ont nié toutes les allégations d’exécutions sommaires, de recrutement d’enfants, de pillage et de chantage. Ils n’ont reconnu que des cas mineurs de vol imputables à leurs soldats et insisté sur le fait que les responsables de tels agissements faisaient l’objet de sanctions disciplinaires.

À ce jour, aucun soldat du M23 n’a été amené à rendre des comptes pour les crimes recensés par Amnesty International et d’autres organisations. Cette impunité généralisée est exacerbée par le fait que tous les organes judiciaires ont été suspendus dans les zones que contrôle le M23 dans le territoire de Rutshuru. L’absence totale d’une institution judiciaire indépendante, chargée d’enquêter sur ces crimes et d’engager des poursuites, ne peut que favoriser de nouvelles violences à l’avenir.

Qui soutient le M23?

Amnesty International a recueilli des informations sur le soutien apporté par le Rwanda à ce groupe armé ; il lui fournit notamment des armes, des munitions et des troupes.

Y a-t-il déjà eu des tentatives visant à rétablir la paix en RDC?

Les différents accords de paix qui prévoyaient l’intégration des groupes armés dans les Forces armées de la RDC n’ont eu qu’une portée limitée. De nombreux groupes armés n’ont jamais pris part à ces processus, certains parmi ceux qui l’ont fait sont restés actifs malgré l’intégration d’une partie de leurs forces, ceux qui ont intégré l’armée ont développé des chaînes de commandement parallèles, tandis que beaucoup ont déserté peu après leur intégration.

Quid de l’ONU?

Sous la menace conjuguée des groupes armés et de l’armée congolaise, les civils en quête de protection se tournent vers la force de maintien de la paix de la Mission de l’ONU pour la Stabilisation en RDC (MONUSCO). Le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé la MONUSCO à recourir à la force pour protéger les civils en cas de danger imminent de violences physiques. Son mandat consiste également à soutenir les opérations militaires menées par l’armée congolaise.  La MONUSCO dépend en partie de l’armée congolaise, dont les faiblesses rendent encore plus difficile la mise en œuvre de son mandat de protection.