Selon de multiples témoins, le 15 novembre, les casques bleus se sont repliés vers leur base centrale à bord d’un véhicule blindé au lieu de contrer l’attaque lancée par un groupe armé, laissant des milliers de civil·e·s sans protection dans le camp d’Alindao. « Des dizaines de civil·e·s du camp de personnes déplacées d’Alindao ont été massacré·e·s après que les casques bleus chargés de les protéger n’ont rien fait pour repousser les assaillants armés, a déclaré Joanne Mariner, conseillère principale en matière de réaction aux crises à Amnesty International. « Les casques bleus étaient certes en large infériorité numérique par rapport aux assaillants armés mais leur comportement – avant et pendant l’attaque – porte à se demander s’ils ont véritablement rempli leur mandat qui consiste à protéger les civil·e·s. »
Il faut une enquête impartiale sans délai en vue d’établir, en particulier, si la MINUSCA a failli à son devoir de protéger la vie de plus de 18 000 personnes vivant sur place.
La MINUSCA a indiqué à Amnesty International qu’il aurait été impossible aux casques bleus, du fait de leur faible nombre, de contenir les violences. Pour autant, on peut se demander si ces soldats, équipés de véhicules blindés et d’armes plus lourdes, n’étaient réellement pas en mesure de prendre des positions défensives qui auraient dissuadé les assaillants, en particulier s’ils avaient effectué des tirs de sommation.
Il faut qu’une enquête impartiale soit diligentée sans délai en vue d’établir, en particulier, si la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA) a failli à son devoir de protéger la vie de plus de 18 000 personnes vivant sur place.
Il faut une enquête impartiale sans délai en vue d’établir, en particulier, si laMINUSCA)a failli à son devoir de protéger la vie de plus de 18 000 personnes vivant sur place.
Une attaque sanglante
Le 15 novembre vers 8 heures-8 h 30 du matin, une ramification de la Séléka appelée Union pour la paix en Centrafrique (UPC) a attaqué le camp de personnes déplacées installé à la mission catholique d’Alindao. Les combattants de l’UPC ont utilisé des mortiers et des lance-roquettes, avant de piller et d’incendier la majorité des abris.
Un grand nombre de civil·e·s musulman·e·s armé·e·s d’Alindao et des villages environnants sont venu·e·s leur prêter main forte. Ils étaient, semble-t-il, en colère à cause des homicides de civil·e·s musulman·e·s qui avaient été commis dans la région, notamment du meurtre d’un chauffeur de mototaxi perpétré le matin même.
Des délégué·e·s d’Amnesty International se sont entretenu·e·s avec 20 victimes, dont beaucoup ont expliqué que les casques bleus de la MINUSCA stationnés sur place n’avaient pas réagi à l’attaque. Au lieu de défendre les civil·e·s contre les assaillants, ou au moins d’effectuer des tirs de sommation, les soldats mauritaniens se sont retranchés sur leur base principale.
Lorsque les assaillants ont eu fini de piller et d’incendier le camp en fin de journée, au moins 70 civil·e·s avaient été tué·e·s – selon certaines sources, le bilan avoisinerait la centaine de morts – et environ 18 000 civil·e·s déplacé·e·s avaient été contraint·e·s à fuir de nouveau.
Les personnes âgées et les personnes handicapées, particulièrement exposées, ont été tuées en grand nombre car elles étaient incapables de s’enfuir en courant. Beaucoup d’entre elles ont été brûlées vives dans leurs abris, faits de poteaux en bois et de végétation séchée extrêmement inflammable.
Les assaillants ont aussi tué deux prêtres catholiques. Bien qu’Amnesty International n’ait pas été en mesure d’établir s’ils avaient été pris pour cible en raison de leur statut, des témoins ont déclaré qu’ils portaient leur soutane au moment de leur mort.
Les combattants de l’UPC et leurs complices ont pillé en masse puis incendié presque tous les abris et vidé un entrepôt utilisé par le Programme alimentaire mondial (PAM). Amnesty International a examiné des images satellites faisant apparaître clairement la zone incendiée.
Attitude trouble des casques bleus de la MINUSCA
« Il faut que les Nations unies déterminent si le massacre d’Alindao était évitable et, plus important encore, ce qu’elles peuvent faire pour prévenir ou contenir d’autres attaques violentes contre des civil·e·s », a déclaré Joanne Mariner.
Nombre de personnes ayant vécu dans le camp ont indiqué à Amnesty International que les casques bleus mauritaniens, stationnés depuis mai, ne contrôlaient pas véritablement la zone et n’empêchaient pas l’entrée d’armes ni de combattants armés. Contrairement aux contingents de la MINUSCA qui se trouvaient précédemment sur place, ils patrouillent rarement et ont délégué une grande partie de leurs activités quotidiennes à une petite « équipe de sécurité » composée de combattants anti-balaka.
« Le fait que les casques bleus mauritaniens semblent accepter que le site soit contrôlé par des anti-balaka met la population civile en grand danger », a déclaré Joanne Mariner.
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