Des femmes et des mineurs vivent désormais dans le camps de Mogadiscio. © AI
Des femmes et des mineurs vivent désormais dans le camps de Mogadiscio. © AI

Somalie Le viol, un risque constant pour les femmes déplacées

Le risque d’être victime de viol et de violences sexuelles est élevé pour les femmes et les mineures vivant dans les camps de fortune pour personnes déplacées en Somalie, a déclaré Amnesty International vendredi 30 août à l’issue d’une mission de recherche effectuée dans ce pays.

Les délégués de l’organisation ont parlé avec des dizaines de femmes et de jeunes filles qui se sentaient vulnérables face au risque de violence sexuelle. Plusieurs d’entre elles, dont une avait à peine 13 ans, avaient récemment été violées. La plupart des victimes ont expliqué qu'elles n'avaient pas signalé l’agression à la police car elles craignaient d'être montrées du doigt et n’étaient pas convaincues que les autorités aient la capacité et la volonté requises pour enquêter.

«Des femmes et des jeunes filles, qui ont déjà été poussées à fuir leur domicile par le conflit armé et la sécheresse, doivent désormais vivre sous la menace constante d’une agression sexuelle», a souligné Donatella Rovera, conseillère d’Amnesty International pour les situations de crise. «Beaucoup des femmes que nous avons rencontrées vivent dans des abris faits de draps et de bâches en plastique qui ne sont pas du tout sécurisés ; compte tenu du désordre qui règne dans le pays, et de l’absence de sécurité dans ces camps, il n’est absolument pas surprenant que ces horribles violations aient lieu.»

Une adolescente de 14 ans, qui réside dans un camp de personnes déplacées à Mogadiscio, a été violée dans l'abri où elle vit alors qu’elle se remettait d’une crise d’épilepsie à la fin août. Elle a déclaré à Amnesty International : «Je me suis réveillée et un homme était en train de me déshabiller. J’ai essayé de crier mais il m’a saisie par la gorge pour m'en empêcher. Ma cousine (âgée de 4 ans) s’est réveillée et il lui a dit de ne pas faire de bruit. Il a fait son affaire et puis il s’est enfui.»

La grand-mère de la jeune fille a raconté à Amnesty International que les voisins, qui avaient été réveillés par le cri de l’adolescente, ont vu un homme âgé d’environ 30 ans, vêtu d’un kikoi (un pagne traditionnel) et portant un bakor (un bâton de marche avec un pommeau), quitter l'abri et s’enfuir.

Enquêtes rares

Les enquêtes, poursuites et condamnations pour viol et pour les autres formes de violences sexuelles sont rares en Somalie ; il n’y a donc pas vraiment d’avantage à porter plainte auprès de la police pour les victimes. Certaines femmes sont de nouveau agressées et considérées avec encore plus de mépris si elles signalent le crime.

Les pratiques de la police en Somalie exacerbent souvent les attitudes réprobatrices à l’égard des victimes de violences sexuelles, à qui il arrive d’être questionnées de manière déplacée et intrusive. Peu de policières sont disponibles pour traiter les cas d’agressions sexuelles, en dépit de la fréquence de celles-ci.

Selon les Nations unies, il y a eu au moins 1 700 cas de viols dans les camps de personnes déplacées en Somalie en 2012 ; au moins 70 % de ceux-ci étaient attribués à des hommes portant l’uniforme des forces gouvernementales. Près d’un tiers des victimes seraient mineures.

«Le fait que les autorités somaliennes ne puissent ni ne veuillent enquêter sur ces crimes et traduire leurs auteurs présumés en justice isole encore davantage les victimes de violences sexuelles, et contribue à un climat d’impunité dans lequel les agresseurs savent qu’ils ne seront pas inquiétés», a ajouté Donatella Rovera.

Deux décennies de conflit et des périodes de sécheresse ont contraint des centaines de milliers de Somaliens à quitter leur domicile et à se réfugier dans des camps tentaculaires et surpeuplés pour personnes déplacées, où l’insécurité est très présente et les conditions humanitaires sont déplorables. Si les conditions se sont améliorées sur le plan de la sécurité, le nombre de personnes déplacées en Somalie dépasse actuellement le million.

Communiqué de presse publié le 30 août 2013, Londres, Lausanne.
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