Le document d’Amnesty, intitulé “We had no time to bury them”: War crimes in Sudan’s Blue Nile State, expose les conséquences des bombardements et attaques au sol menés par les forces armées soudanaises : destructions de villages entiers, nombreux morts et blessés, et fuite de dizaines de milliers de personnes. Parmi ces dernières, de risque de famine, de maladie et d’épuisement est accru.
«Le fait que les civils soient systématiquement et délibérément pris pour cible rappelle la politique choquante appliquée par le gouvernement soudanais au Darfour, qui a eu des effets dévastateurs», a déploré Jean-Baptiste Gallopin, spécialiste du Soudan à Amnesty International. «S’en prendre délibérément à des civils est un crime de guerre. Compte tenu de l’ampleur des attaques, ainsi que de leur nature manifestement généralisée, il est possible qu’elles constituent en outre des crimes contre l’humanité.»
Une fuite désespérée qui condamne les plus faibles
Le rapport explique par ailleurs que certaines personnes ont dû choisir entre mettre leurs enfants en lieu sûr ou aider leurs parents âgés. « Ceux qui en ont les capacités physique n’ont d’autre choix que la fuite – souvent après avoir dû prendre de douloureuses décisions afin de déterminer lesquels de leurs proches les plus faibles ils ne pourront emmener avec eux», a ajouté Jean-Baptiste Gallopin.
Certains de ceux qui n'étaient pas en mesure de courir, que ce soit à cause d’un handicap ou de leur âge, ont été brûlés vifs chez eux; d’autres auraient été abattus par des soldats soudanais et des milices soutenant le gouvernement. Des soldats et des miliciens ont en outre volé des biens de valeur, notamment du bétail, avant d’incendier systématiquement les maisons.
Awadallah Hassan, qui a fui son village de Qabanit, dans le nord-ouest des collines Ingessana, a déclaré à Amnesty International: «Ma grand-mère était aveugle et ne pouvait pas courir. [Quand nous nous sommes enfuis], nous pensions que l’un de nous l’avait prise avec lui […] [Mais] nous sommes retournés au village à 17 heures et avons retrouvé son corps complètement calciné. Il était tout noir.»
Situation humanitaire alarmante
Le gouvernement soudanais continue à bloquer l’aide humanitaire destinée aux civils vivant dans les zones contrôlées par les rebelles. De ce fait, la situation humanitaire dans ces zones est très difficile. Comme les civils ne peuvent s’occuper de leurs cultures sans craindre un bombardement, les vivres se font rares. Des personnes déplacées ont déclaré à Amnesty International qu’elles étaient souvent contraintes de se nourrir de racines vénéneuses qu’il faut laisser tremper dans l’eau pendant plusieurs jours avant de pouvoir les consommer.
«En prenant la décision déraisonnable d'interdire l’aide humanitaire, le gouvernement soudanais est une nouvelle fois responsable de morts civiles et de souffrances à grande échelle», a poursuivi Jean-Baptiste Gallopin.
Amnesty International exhorte le gouvernement soudanais à mettre immédiatement fin aux bombardements aériens aveugles et aux attaques au sol délibérées dans les zones civiles, et à accorder immédiatement un droit de passage aux organisations humanitaires. «Le Conseil de sécurité des Nations unies et l’Union africaine sont bien trop préoccupés par les relations entre le Soudan et le Soudan du Sud pour prendre des mesures concrètes visant à mettre fin aux terribles événements dont le Nil bleu et le Kordofan du Sud sont le théâtre», a expliqué Jean-Baptiste Gallopin. «La possibilité que cette impasse soit de longue durée est extrêmement inquiétante. La communauté internationale doit accorder à cette crise des droits humains l’attention qu’elle mérite.»