Tchad Le harcèlement judiciaire d’opposants politiques et de journalistes doit cesser

20 septembre 2012
Trois syndicalistes et un journaliste ont été condamnés à de lourdes peines de prison avec sursis et à des amendes, pour avoir lancé et publié une pétition. Le gouvernement tchadien doit cesser de se servir du système judiciaire pour harceler les opposants politiques.

Michel Barka, Younous Mahadjir et François Djondang, tous trois membres dirigeants de l’Union des syndicats du Tchad (UST), l’un des plus gros syndicats du pays, ont été condamnés le 18 septembre à une peine de 18 mois avec sursis et ont écopé chacun d’une amende de 1 million de francs CFA chacun (1 540 euros).

Jean-Claude Nekim, journaliste et directeur de publication du bimensuel/ bihebdomadaire N’Djamena Bi-Hebdo, a également écopé d’une peine de prison de 12 mois avec sursis et d’une amende de 1 million de francs CFA (1 540 euros). Le journal a également été interdit pendant trois mois.

Les quatre hommes ont été déclarés coupables d’« incitation à la haine raciale » et de « diffamation », en lien avec la pétition de l’UST publiée ce mois-ci. Jean-Claude Nekim a été inculpé après que N’Djamena Bi-Hebdo a publié des extraits de cette pétition.

«Faire son travail sans crainte d’être persécuté»

«Le gouvernement tchadien doit cesser d’utiliser le système judiciaire comme d’un outil pour réduire au silence les dissidents, en harcelant les syndicalistes, les journalistes et d’autres opposants politiques», a indiqué Christian Mukosa, chercheur sur le Tchad à Amnesty International.

«Les journalistes, les syndicalistes et les militants des droits humains doivent pouvoir faire leur travail sans craindre d’être persécutés.»

Le 3 septembre 2012, Michel Barka, Younous Mahadjir et François Djondang, respectivement président, vice-président et secrétaire général de l’UST, ont reçu un appel téléphonique de responsables judiciaires et des services de sécurité, en lien avec la pétition du 1er septembre 2012.Entre autres choses, la pétition dénonçait la mauvaise gestion des fonds publics et la corruption de certaines autorités locales/ responsables locaux.

Tous ont été inculpés d’«incitation à la haine raciale». François Djondang et Jean-Claude Nekim ont tous deux été inculpés de «diffamation». Leurs sentences ont été prononcées le 18 septembre au matin, par le tribunal de première instance de N'Djamena, la capitale.

Une pratique déjà utilisée dans le passé

D’autres affaires ont récemment montré que la justice est utilisée pour harceler des opposants politiques, notamment celle du député de l’opposition Gali Ngote Gatta, de l’Union des forces démocratiques (UFD). Il a été arrêté et condamné à un an de prison en mars 2012 pour tentative de corruption et braconnage (on aurait retrouvé du gibier dans son véhicule).

Gali Ngote Gatta a été interpellé le 4 mars, jugé et condamné trois jours plus tard, bien que son immunité parlementaire n’ait pas été levée. La procédure légale n’a pas été pleinement respectée et les audiences ont été menées avec une rapidité plus que suspecte.

Tout d’abord retenu à la prison de Sahr, Gali Ngote Gatta a ensuite été transféré à la prison de Moundou après qu’il a fait appel de la décision du tribunal de Sahr. Il a plus tard fait appel de cette décision auprès de la cour d’appel de Moundou. Il a eu gain de cause et a été libéré. Le juge Emmanuel Dekeumbé de la cour d’appel de Moundou, qui a refusé de condamner Gali Ngote Gatta et dénoncé l’affaire, a ensuite été révoqué par le Conseil judiciaire suprême, présidé par le chef de l’État tchadien.

Pour plus d'informations sur les conditions carcérales au Tchad, veuillez lire le rapport d'Amnesty International: «Nous sommes tous en train de mourir ici»