Hissène Habré est jugé à Dakar par les Chambres africaines extraordinaires pour crimes contre l'humanité, actes de torture et crimes de guerre commis alors qu'il était au pouvoir. © Rama
Hissène Habré est jugé à Dakar par les Chambres africaines extraordinaires pour crimes contre l'humanité, actes de torture et crimes de guerre commis alors qu'il était au pouvoir. © Rama

Tchad Hissène Habré enfin jugé

18 juillet 2015
L'ouverture du procès de l'ancien président tchadien Hissène Habré, au Sénégal le 20 juillet, devrait mettre fin à 25 ans d'impunité et donner de l'espoir aux dizaines de milliers de victimes de violations des droits humains et de crimes de droit international commis sous son régime.

Hissène Habré est jugé à Dakar par les Chambres africaines extraordinaires pour crimes contre l'humanité, actes de torture et crimes de guerre commis alors qu'il était au pouvoir entre 1982 et 1990. C'est la première fois qu'une juridiction dans un État africain juge un ancien dirigeant d'un autre État africain.

25 ans d'attente

«Le procès d'Hissène Habré représente un tournant majeur pour la justice au Tchad et en Afrique. Pour de nombreuses victimes, cette date va marquer la fin de 25 ans d'attente, a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International, qui a travaillé sur le Tchad durant la présidence d'Hissène Habré.

«Amnesty International a pendant des années braqué les projecteurs sur les actes de torture, les arrestations arbitraires, les exécutions et les disparitions forcées si courants sous le régime d'Hissène Habré. Ce procès historique va en outre montrer que les responsables présumés de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité ne trouveront refuge nulle part. L'organisation espère que justice sera rendue grâce à un procès équitable conforme au droit et aux normes internationaux.»

Des milliers de victimes

La commission d'enquête nationale a estimé que 40 000 personnes pourraient avoir trouvé la mort aux mains des forces de sécurité d'Hissène Habré entre 1982 et 1990. Les arrestations arbitraires, la torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées étaient également courantes.

Amnesty International se félicite du procès d'Hissène Habré qui représente une étape importante dans la lutte contre l'impunité, tout en soulignant que cinq autres hauts responsables de son gouvernement inculpés par la cour n'ont toujours pas été traduits en justice.

Idriss Déby pas inculpé

Le président tchadien actuel, Idriss Déby, n'a pas été inculpé par les Chambres africaines extraordinaires alors qu'il a été chef d'état-major de l'armée sous le régime d'Hissène Habré. Les recherches menées par Amnesty International indiquent que des soldats sous ses ordres pourraient avoir commis des massacres dans le sud du Tchad en 1984. Idriss Déby a par la suite fui au Soudan en 1989 et organisé une coalition de groupes armés qui a renversé Hissène Habré en décembre 1990.

«La prochaine étape pour les autorités tchadiennes consiste à veiller à tout mettre en œuvre pour déférer à la justice les responsables présumés de crimes de droit international commis quand Hissène Habré était au pouvoir, a déclaré Gaëtan Mootoo.

Mettre un terme à l'impunité

«Le Tchad ne pourra rompre avec son passé tragique que s'il fait en sorte de traduire devant des tribunaux civils tous les responsables des très nombreux crimes de droit international et violations des droits humains. S'il ne satisfait pas entièrement à cette exigence, cela reviendra à faire savoir que ces crimes sont effectivement permis.»

Amnesty International mène campagne sans relâche pour dénoncer les violations des droits humains perpétrées au Tchad depuis les années 1970. Après la chute du gouvernement d'Hissène Habré, plus de 50 000 lettres et cartes postales envoyées par des membres d'Amnesty International ont été trouvées dans les locaux de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS).

Amnesty International a également joué un rôle important dans la décision prise par le Sénégal et l'Union africaine le 22 août 2012 afin d'établir une nouvelle juridiction internationalisée – les Chambres africaines extraordinaires – chargée de juger les crimes commis sous le gouvernement d'Hissène Habré.


Complément d’information

Malgré la mise en place en 1990 d'une commission nationale d'enquête, les responsables présumés des violations des droits humains et des crimes de droit international commis au cours des huit années où Hissène Habré a dirigé le pays n'ont pas fait l'objet d'enquêtes. En octobre 2001, Amnesty International a appelé les autorités tchadiennes et sénégalaises à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette impunité.

Après de nombreux rebondissements juridiques, notamment un jugement rendu par la Cour internationale de justice, le Sénégal et l'Union africaine ont adopté, le 22 août 2012, un accord établissant une nouvelle juridiction chargée de juger les crimes commis sous le gouvernement d'Hissène Habré : les Chambres africaines extraordinaires.