Ana Paula, la mère Johnatha de Oliveira, un garçon de 19 ans tué par la police militaire. © AF Rodrigues/Amnistia Internacional
Ana Paula, la mère Johnatha de Oliveira, un garçon de 19 ans tué par la police militaire. © AF Rodrigues/Amnistia Internacional

Brésil Violences policières: Les mères des victimes racontent

19 novembre 2015
Terezinha de Jesus et Ana Paula Oliveira partagent un sort commun terrible: leurs fils ont tous les deux été fusillés par la police. Les deux garçons n’avaient commis aucun crime, ils étaient simplement au mauvais moment au mauvais endroit. Les enquêtes officielles sont venues à la conclusion qu’il s’agissait de cas de légitime défense, bien que ni Eduardo (10 ans), ni Jonatha (19 ans), n’avaient d’arme sur eux.

Terezinha de Jesus et Ana Paula Oliveira participent actuellement à des conférences dans toute l'Europe afin d'attirer l'attention internationale sur le thème largement ignoré des violences policières dans leur pays. Le 18 et 19 novembre, elles font une halte en Suisse. Durant leur déplacement elles seront accompagnées de deux collaborateurs d’Amnesty Brésil : Renata Neder, chargée des questions des droits humains et responsable des campagnes et Bruno Duarte, responsable des médias sociaux. 

La plupart des victimes sont des jeunes noirs

Depuis 1980, plus d’un million de personnes ont été assassinées au Brésil. D’après des statistiques officielles publiées dans un rapport annuel sur la sécurité publique, au moins six personnes sont tuées par des policiers chaque jour dans ce pays. Le taux d’homicides imputables à la police y est l’un des plus élevés au monde. La violence ne touche pas l’ensemble de la société brésilienne de la même manière. «Les meurtres sont endémiques dans les communautés pauvres et marginalisées. Les préjugés et les stéréotypes négatifs associés aux favelas et aux banlieues des villes jouent un rôle majeur dans ce phénomène. Septante-sept pour cent des personnes assassinées sont des jeunes noirs», constate Lisa Salza, experte pays à Amnesty Suisse. «Les jeunes noirs sont aussi les victimes de la lutte contre la drogue que mènent l’Etat et la police militaire, qui les considèrent comme des ennemis potentiels.»

«Les auteurs d’homicides ne sont que très rarement déférés à la justice au Brésil, dans seulement cinq à huit pour cent des cas. Et une réglementation militaire dite auto de resistências (acte relatif à la résistance), exonère les policiers d’une investigation pour homicide. Cette réglementation alimente l’impunité qui est au cœur de la violence policière dans ce pays.

«Malheureusement les violences et homicides contre les jeunes noirs semblent aujourd’hui admis au Brésil. Le sujet est devenu banal, il ne fait plus la une des médias. Les législateurs n’en font pas une priorité dans le cadre du programme public national, et beaucoup d’hommes politiques ont évité d’aborder la question au niveau électoral», soulignait récemment Atila Roque, directeur d’Amnesty Brésil.

Eduardo de Jesus et Jonatha de Oliveira

Eduardo de Jesus, le fils de Terezinha de Jesus (40 ans), a été assassiné le 2 avril 2015, à l’âge de 10 ans, dans la favela Complexo do Alemão alors qu’il jouait sur un téléphone portable devant la porte de sa maison.

Alors âgé de 19 ans, Jonatha de Oliveira, le fils d’Ana Paula Oliveira (39 ans), a été tué le 14 mai 2014 par une unité de la police militaire à Manguinhos, dans le Nord de Rio de Janeiro. Il se rendait à la maison de sa grand-mère et a été surpris par un attroupement. Des jeunes se plaignaient envers des policiers parce que ces derniers enlevaient de l’herbe d’un terrain de football. Un policier a tiré en l’air pour disperser le groupe. Un autre a tiré en direction du groupe. La balle a atteint Jonatha qui n’a pas survécu.

 


 

Video: Terezinha de Jesus raconte l'histoire de son fils